|
Gérard Mauger LÉmeute de novembre 2005 Une révolte protopolitique Novembre 2005 : parallèlement à lémeute où saffrontent
« jeunes des cités » et policiers, se déroule une « émeute de
papier » où se confrontent représentations hostiles ou favorables aux
émeutiers : reportages et éditoriaux des journalistes, déclarations des hommes
politiques, interprétations contradictoires des intellectuels. Cette émeute de papier
fait évidemment partie de lémeute. Gérard Mauger est sociologue, directeur de recherches au CNRS et directeur adjoint du Centre de sociologie européenne (CNRS-EHESS). Il est membre de lassociation Raisons dagir. Ses recherches ont porté sur la jeunesse, la déviance, les pratiques culturelles et les intellectuels. Auteurs de nombreux ouvrages, il a notamment dirigé Lire les sciences. Vol. 4 / 1997-2004 (Maison des sciences de lhomme, 2004) et Rencontres avec Pierre Bourdieu (Éd. du Croquant, 2005). Il a également participé à l'ouvrage collectif L'Accès à la vie d'artiste. Sélection et consécration artistiques (à paraître en octobre aux éditions du Croquant)Éditions du Croquant
Banlieues : six mois après, quoi de neuf ? France 5 Ripostes - Banlieues six mois après, quoi de neuf (Rappel des faits)
Nous nous souvenons de deux gamins poursuivis par la police, morts électrocutés. Ils s'appelaient Zyed et Bouna. Ils avaient 16 et 17 ans. Nous nous souvenons des cités en flammes, de la guérilla
urbaine, des banlieues qui brûlaient, des gymnases et des écoles détruites. Nous nous souvenons que le journal russe Vremia Novosteï
disant que "les immigrés arabes réglaient leur compte avec les autorités
françaises". A Athènes, on dénonçait la haine qui recouvrait Paris et ses
ghettos. La chaîne américaine ABC ouvrait son journal par les mots "Paris
brûle", alors que le Washington Times titrait "Paris en flammes". Nous nous souvenons que Dominique de Villepin avait justifié
"l'état d'urgence" et le couvre-feu pour lutter contre des "bandes
structurées à la criminalité organisée qui ne reculent devant aucun moyen pour faire
régner le désordre et la violence". Nous nous souvenons des promesses...
PREFECTURE DE LA SEINE-SAINT-DENIS Bobigny, le 13 juin 2006
LE PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS A MONSIEUR LE MINISTRE D'ETAT, MINISTRE DE L'INTERIEUR ET DE L'AMENAGEMENT DU TERRITOIRE CABINET
à l'attention personnelle de monsieur le préfet Claude GUEANT, directeur de cabinet
OBJET: Situation de la délinquance en Seine-Saint-Denis
P.J.: 3+1 dossier effectifs
L'évolution de la délinquance dans le département, particulièrement préoccupante (+13,69% pour le mois de mai 2006) me conduit à attirer votre attention sur certains constats et analyses qui en découlent. Par mes rapports des 17 janvier, 10 février et 16 mars 2006, je soulignais les tendances défavorables qui se dessinaient et les mesures envisagées pour tenter de les juguler. Avec un taux de +7,64% depuis le début de l'année, le département connaît une recrudescence de la délinquance peu connue jusqu'ici depuis de nombreuses années. L'activité policière (+3,23% de faits élucidés) mérite d'être soulignée mais n'est malheureusement pas à la hauteur de cette évolution. Plusieurs phénomènes expliquent cette situation, que leur résolution, que je sais fort compliquée, contribuerait à réduire. 1. La situation de la délinquance dans ce département constitue le continuum des émeutes de novembre, d'autant plus que les réponses judiciaires qui avaient été apportées en son temps n'avaient pas été à la mesure des difficultés: 85 mineurs avaient été déférés, un seul avait été écroué. Or, il est patent de constater que l'augmentation très forte des vols/violences était due, à 70%, à des mineurs, chez lesquels le sentiment d'impunité prévaut. C'est une réalité fondamentale que chacun des maires du département souligne avec anxiété et qui aujourd'hui est devenu un motif fort de découragement dans tous les commissariats.
Au delà d'une réforme de l'institution judiciaire, des mesures peuvent être prises, notamment en ce qui concerne les appels que peut produire le Parquet.
A titre d'information, je vous précise qu'en 2005, sur 1651 mineurs déférés au Parquet, seuls 132 ont été écroués, ce qui donne une idée de la marge de progression que le Parquet possède actuellement, nonobstant le dogmatisme dont peut faire preuve le Jude des enfants de ce département.
Le fait de plus en plus fréquent pour un policier de se retrouver le soir même sur la voie publique un mineur arrêté par ses soins le matin pour un vol/portière ou pour un vol/violence, traduit parfaitement la situation dans laquelle se trouve ce département et, partant, le sentiment général d'impunité qui prédomine parmi les jeunes délinquants et de lassitude des policiers quel que soit leur grade.
Vous trouverez à ce sujet un bilan de l'évolution des effectifs de gardiens de la paix, par circonscription, depuis 2002. Vous constaterez que les effectifs en question ont subi une diminution très perceptible à laquelle les élus et l'opinion publique sont très sensibles. Cette situation génère de plus en plus de remarques syndicales au sein de la police et de commentaires des maires qui suivent très précisément la situation de leur commissariat.
Enfin, la situation des établissements scolaires est telle qu'elle nécessite une présence forte permanente pour éviter tout dérapage.
A cet égard, je constate l'extrême jeunesse des commissaires qui sont nommés dans ce département. Au surplus, en à peine plus de deux ans, l'ensemble des commissaires, chefs de circonscription de sécurité publique a changé de titulaire, ce qui peut, à l'évidence, contribuer à une certaine pérennité dans la connaissance de l'environnement et dans l'action policière subséquente : depuis 2004, sur 21 circonscriptions, à peine deux responsables sont toujours en poste Ce département a besoin de stabilité dans la présence et la connaissance des commissaires. Une durée moyenne de 3 ans ne me semblerait pas exagérée même si la tâche y est pénible.
Par ailleurs est clairement perceptible la difficulté de fonctionnement conjoint sécurité publique et CRS, chacun tentant de reporter sur l'autre l'inefficacité des mesures de sécurité. L'atmosphère n'est donc pas la meilleure et la population (honnête ) le ressent indirectement. Si la contribution des CRS est indispensable en termes de forces d'appoint lors des violences urbaines déclarées, ce qu'il ne s'agit en aucun cas de sous-estimer, un mode d'intervention nouveau, de type sécurisation complémentaire ou préventive pourrait être mis en place à l'échelon central. L'efficacité de l'intervention des BAC, CDI, UMS, très mobiles, rapides, discrète et connaissant le terrain conduit à proposer la création d'une sorte de BAC centrale, qui pourrait être utilisée chaque fois que cela est nécessaire dans chacun des départements d'Ile-de-France (voire plus). En fonction des circonstances locales, le préfet du département considéré demanderait le concours complémentaire de ce type d'unités pour renforcer ses propres BAC ou UMS locales. Une fois le travail achevé, les effectifs reviendraient à la BAC centrale.
Tels sont les éléments d'information que je souhaitais porter à votre connaissance, étant convaincu que la situation actuelle de ce département de sans doute plus d'1,5 millions d'habitants (compte tenu des clandestins) ne peut être modifiée durablement qu'à la condition d'une réelle lisibilité des décisions de justice (singulièrement pour les mineurs), et d'un accroissement des capacités d'intervention rapide, en civil et équipées des dernières technologies (en armements, en vidéo et en moyens d'écoute). Au delà de ces aspects de traitement de la sécurité, il me paraît fondamental de maintenir, voire de renforcer les mesures gouvernementales en matière d'urbanisme, d'emploi et d'éducation. L'accroissement de la pauvreté se poursuit dans les cités, avec une concentration du chômage pour les plus jeunes (la Seine-Saint-Denis représente 35% de la pauvreté d'Ile-de-France). Ces classes d'âge sont aujourd'hui fortement travaillées par l'Islam et sans doute le plus intégriste. Je constate depuis mon arrivée une multiplication dans les quartiers et ouvertement désormais dans les lieux publics, notamment les centres commerciaux, de femmes voilées intégralement. Cela ne semble d'ailleurs plus surprendre personne. Enfin, à chaque réveil de l'agitation dans telle ou telle cité, il est désormais quasi systématiquement observable que le relais de la gestion locale est pris par "les barbus" que l'on voit en compagnie des "animateurs" ou "médiateurs" divers dans des déplacements destinés (disent-ils) à calmer le jeu (parfois avec la complicité tacite de certains élus). Ce département est pourtant en plein développement économique. Les grandes entreprises que l'on voit s'installer au sud de Saint-Denis ou d'Aubervilliers, ou dans d'autres communes jouxtant le périphérique, la reconquête dans ces mêmes lieux de l'habitat par les classes moyennes conduisent aujourd'hui à une confrontation permanente entre l'aisance des uns et la pauvreté des autres. L'uniformité sociale et économique de la Seine-Saint-Denis, telle qu'elle existait depuis l'après-guerre est en train d'exploser. Les écarts se creusent, les envies s'exacerbent. C'est ce grand écart conjoncturel qu'il nous faut gérer au quotidien sur un territoire ou 2/3 de la population est étrangère, ou d'origine étrangère et où les référents culturels sont loin de ceux de notre vieux pays. Si la République n'est pas en mesure d'appliquer les sanctions correspondant à la non observation de ses règles, alors nous serons dans l'obligation d'effectuer de plus en plus fréquemment des opérations de maintien de l'ordre au détriment d'interventions plus classiques de sécurité. Le préfet, Jean-François CORDET
Jean-Christophe Lagarde Député UDF de Seine-Saint-Denis, Jean-Christophe Lagarde est maire de Drancy.
Jean-Claude Delage est secrétaire général du syndicat Alliance Police nationale.
Président de l'Union syndicale des magistrats, le principal syndicat de la profession, qui se présente comme neutre et pluraliste, Dominique Barella est aujourd'hui en disponibilité de la magistrature. Il a été successivement juge d'application des peines, juge d'instance puis procureur de la République.
Ancien ministre chargé de l'Intégration et de la Lutte contre l'exclusion puis délégué à la Ville et à l'Intégration auprès du ministre de l'Aménagement du territoire, Eric Raoult est aujourd'hui député-maire UMP de Seine-Saint-Denis et, entre autres, vice-président du groupe d'études parlementaire sur la sécurité intérieure.
Claude Dilain est maire PS de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis.
Journaliste à L'Express, Laurent Chabrun est l'auteur de nombreux ouvrages dont, Les corrompus de Saddam Hussein, écrit en collaboration avec Franck Hériot et paru en mars 2006 aux éditions Plon.France 5 Ripostes - CitésPoliceJustice (Invités)
http://www.inhes.interieur.gouv.fr/index.php?inhes=bienvenue
http://previon.typepad.com/hebdo/ Ecrits dalarme
Pendant plusieurs mois, les membres dAC-lefeu ont sillonné la France en minibus
pour donner la parole à une population mise à lécart. Un périple qui a permis de
recueillir par écrit plus de 20 000 doléances. Une initiative citoyenne et une
leçon pour les politiques. Ils lont fait pour Zyad, 15 ans, et Bouna, 17 ans. Pour quils ne soient pas
morts pour rien. Ils sont partis de Clichy-sous-Bois (93), où les deux garçons ont péri
le 27 octobre 2005, électrocutés dans un transformateur EDF après une
course-poursuite avec la police. De là, ils ont étendu leur périple au reste de la
Seine-Saint-Denis puis à toute la France, de Strasbourg à Toulouse et de Nice à Rennes.
Sans oublier lOusse-des-Bois, lAriane, la Castellane, Saragosse. La France
toujours, mais une France perdue de vue, où personne ne vous entend crier. Samir, Mokded,
Mamadou et les soixante-dix membres de lassociation AC-lefeu (Association du
collectif liberté égalité fraternité ensemble et unis) sont allés à sa rencontre.
Pas pour attiser la révolte, mais au contraire « pour mettre des mots sur les
maux ». Des mots écrits. Des « doléances ». Olivier Pascal-Moussellard Télérama n° 2961 - 14 Octobre 2006 "Il n'y a pas d'humanité innocente"
Le philosophe Pascal Bruckner était notre invité lors d'un tchat
le 10 octobre. Voici la retranscription de sa discussion avec les internautes.
"Colonisation : mémoire ou remords", dit le titre de ce tchat et l'article paru dans Télérama. Des remords ? C'est un peu tard, il me semble. Mémoire ? A l'évidence, mais quelle mémoire ? Celle des colons ou celle des colonisés - dont on parle bien peu au final ? Ni mémoire ni remords, mais l'histoire. La colonisation est terminée depuis un demi-siècle, et il n'est plus temps d'entretenir une culpabilité pour des choses que nous n'avons pas faites directement. Il n'est pas certain que les colonisés en question, surtout en Algérie, aient très envie que l'on fasse l'historique de leur indépendance et de la décolonisation, car cela contredirait la légende officielle véhiculée par les autorités. Vous dites à la radio "la culpabilité ne se transmet pas à la génération suivante. Elle cesse à la mort du fautif." Ne voyons-nous pas dans l'histoire des effets sur le très long terme ? Je crois, moi, que la mémoire des peuples est fort longue, que tout ne se réduit pas à l'échelle individuelle ou générationnelle, non ? Il faut distinguer la culpabilité et la responsabilité. Nous devons répondre des crimes de nos pères même si nous n'en sommes pas directement fautifs. La mémoire des peuples est longue, mais la cohabitation pacifique est plus importante que les griefs immémoriaux. Si les Allemands et les Français avaient dû obéir au devoir de mémoire, ils ne se seraient jamais réconciliés. Le projet français de vivre ensemble ne doit-il pas intégrer une reconnaissance des "Histoires de France" plutôt qu'une monolithique "Histoire de France" ? On en est là aujourd'hui. A tel point qu'il n'y a plus d'Histoire de France, mais des histoires spécifiques avec le risque de sombrer dans une sorte de tribalisme de la mémoire, où chaque communauté revendiquera ses souffrances particulières. Il faudrait écrire une histoire qui appartienne à tous, et non pas simplement une accumulation de mémoires particulières. Pensez-vous que l'autodénigrement systématique en France ait un impact direct sur l'intégration des jeunes issus de l'immigration ? Oui, car si les Français ne s'aiment pas, ils ne peuvent pas espérer que les jeunes issus de l'immigration les aiment à leur place. Il faut avoir confiance en soi pour inspirer l'envie d'adhérer au projet national. Vous avez dit à l'émission de Ruquier qu'après le départ de la France, les peuples indépendants se sont embourbés dans plusieurs dificultés (comme en Algérie), insinuant par là leur besoin d'être "assistés" et le "bienfait" de la colonisation. D'abord, ce n'est pas le cas de tous les pays (Tunisie par exemple) et puis, vous êtes-vous posé la question de savoir si ce n'est pas justement la colonisation qui a affaibli ces pays ? Je n'ai jamais insinué quoi que ce soit sur la colonisation. J'ai simplement dit que les anciens pays colonisés avaient fait preuve de la même violence et de la même brutalité que les Européens. La barbarie n'est pas l'apanage d'un seul continent, toute l'histoire de l'Afrique depuis les indépendances le prouve. En imputer la responsabilité à l'ancien colonisateur, c'est infantiliser ces peuples, et croire qu'en étant incapables de liberté, ils sont aussi incapables de faire le mal par eux-mêmes. Il n'y a pas d'humanité innocente. Qu'appelle-t-on colonisation ? Y a-t-il des colonisations réussies ? Non, il n'y a pas de colonisation réussie, puisque les colonisés réclament toujours leur indépendance : les Espagnols avec la Reconquista de l'Andalousie, les pays arabes et les pays d'Europe de l'Est contre l'Empire ottoman, et enfin l'Asie et l'Afrique contre les empires européens. Il n'empêche que dans chaque cas, des choses positives ont été réalisées. Mais c'est aux intéressés eux-mêmes de le dire et c'est l'Histoire qui l'affirme avec le temps passé. En quoi l'attitude de l'URSS vis-à-vis de ses états satellites d'Europe centrale de 1945 à 1989 diffère-t-elle de la colonisation ? L'URSS était un empire continental, alors que les empires européens étaient d'outre-mer. La Russie est aujourd'hui le dernier grand empire continental existant, qui règne par la terreur et la force en Tchétchénie comme en Géorgie et dans les autres républiques caucasiennes. Je suis étonné que nos anticolonialistes virulents ne disent jamais rien sur l'horrible guerre menée par M. Poutine et ses troupes en Tchétchénie. Comment se fait -il que les Anglais et les Américains assument entièrement leur passé sans ambiguité et que la France n'arrive pas à le faire ? C'est une question difficile. Les Anglais n'assument pas si bien le passé que ça, puisque Tony Blair a dû demander pardon aux Irlandais pour la grande famine organisée par les Britanniques au XIXe siècle. Mais il est vrai que la France a un problème avec la vérité, puisque cette dernière est la propriété exclusive de l'Etat, qui dit ce qui a eu lieu et ce qui n'a pas eu lieu. C'est une attitude catastrophique puisque tout se passe sous le sceau du secret, ce qui laisse soupçonner les pires événements. Il est temps que les Français dénoncent en temps réel leurs fautes ou leurs manquements, et ne laissent pas les choses macérer comme du pus pendant des décennies. Vous dites plus haut "il n'y a pas de colonisation réussie". Englobez-vous l'actuelle colonisation de la Palestine ou est-ce un cas particulier ? Le conflit israélo-palestinien est selon les mots d'Amos Oz un "litige immobilier entre deux propriétaires également légitimes". Il est évident que la paix, si elle n'est pas freinée par des puissances régionales ou étrangères, ne pourra passer que par la restitution de la Cisjordanie aux Palestiniens. Quid des Antilles et autres possessions françaises outre-mer ? Ne sont-elles pas des vestiges de l'Empire ? Oui, les confetti de l'Empire sont des vestiges et posent le problème de l'appartenance nationale de ces communautés. S'il s'avérait que les Antillais, les Guyanais, les Réunionnais, les Néo-Calédoniens, voire les Corses, souhaitaient leur indépendance à une forte majorité, la France n'aurait aucun intérêt à s'y opposer. Arrogance et haine de soi sont les deux maux typiquement français", dites-vous. Comment guérit un pays de cela ? On guérit d'abord par l'ouverture aux autres nations, c'est-à-dire voir ce qui a marché ailleurs et ce qui peut être importé sur notre territoire. Cela pour l'arrogance. La France n'a longtemps accepté l'Europe qu'à condition que l'Europe devienne française et la vanité impériale de l'Hexagone masque mal un manque de confiance dans nos capacités d'influencer le monde extérieur. C'est une sorte de cache-misère. Qui a intérêt en France à entretenir cette réthorique auto-culpabilisante sur la colonisation ? Il n'y a pas de source unique, de centre de culpabilisation généralisée. C'est plutôt un sentiment diffus, propagé par les élites intellectuelles et politiques, et qui épouse ou même formate l'esprit national. Sur ce sentiment d'autodénigrament se greffent toutes sortes de minorités qui tentent de renégocier leur place au sein de la République en entretenant une mémoire culpabilisatrice. Ne pensez-vous pas que la manière dont vous traitez le sujet puisse favoriser des idées extrêmistes contre des minorités en France issues pour la majorité des anciennes colonies ? A l'époque du stalinisme, on disait toujours qu'il ne fallait pas dénoncer les erreurs de l'Union soviétique pour ne pas faire le jeu des impérialistes. De la même façon, j'estime qu'il faut porter le fer dans la plaie et dire la vérité, ce qui est le meilleur moyen d'ailleurs d'écarter les discours extrémistes. La France est décidément un pays fâché avec la vérité. Si chaque fois qu'on essaie d'énoncer un discours un peu en marge on est accusé de faire le jeu des extrémistes. Une nation n'est pas composée de minorités. Je parle de chez moi, et je ne me considère pas comme étant une minorité à moi-même. Le peuple français n'est pas un assemblage de communautés ou de tribus. L'héritage du catholicisme est-il important dans notre sentiment de culpabilité ? Oui, il est même fondamental. C'est le christianisme qui a théorisé la pénitence comme étant un sacrement. Ce qui est curieux aujourd'hui, c'est de voir combien le sentiment de la faute est repris par des philosophes athées, agnostiques, incroyants, qui reconduisent sans le savoir les principaux postulats du christianisme. Vous ne semblez pas articuler ce malaise post-colonial avec limage ô combien flatteuse que les Français aiment se donner d'eux-mêmes. Ne pensez-vous pas que le péché originel (plus que lacte colonisateur en lui-même, propre à beaucoup de nations) a été cette immense et destructrice prétention à vouloir "civiliser" lautre et au final à sêtre trouvé en porte à faux avec les grandes valeurs humanistes que nous voulions porter au-delà de nos frontières ? Est-il supportable de penser que notre sentiment de supériorité (dixit Jules Ferry) nous ait conduit à trahir nos idéaux ? La France a trahi ses idéaux, mais elle est aussi sortie de l'époque coloniale. Elle a commencé d'ailleurs par "civiliser" les autres nations européennes par la guerre, le feu et le sang. Mais il est incontestable que la France des Lumières a porté un message de paix et d'universalisme dans le monde entier. L'Europe a apporté à la fois le despotisme et l'émancipation au reste du monde. Pareil à un geôlier qui vous jette en prison et vous lance les clés pour en sortir. Mais il est vrai que le sentiment de supériorité des Français aujourd'hui, surtout flatté par les élites politiques, ressort de l'ordre du ridicule, surtout quand notre pays voit son rôle se réduire dans le monde. Pensez-vous que les pays colonisés ont, depuis leur indépendance, progressé dans leur développement économique et social ? Cela dépend desquels. Si l'on considère l'Inde, la Chine, les petits dragons asiatiques, et quelques rares pays africains, la réponse est oui incontestablement. Pour les autres, c'est plutôt le recul, l'incapacité à édifier un sentiment national, à construire un Etat fort, à manifester un souci du bien public. Sans compter les guerres, les massacres, les génocides. Peut-être faut-il laisser à ces pays-là le temps de se développer, de la même façon que les nations européennes ont mis près de deux siècles à édifier une vie décente pour leurs citoyens. La colonisation n'était pas, bien entendu, prévue pour venir à l'aide des pays dans lesquels elle allait s'exercer. Cela dit, n'a-t-elle pas pu unifier les pays - ne serait-ce que contre l'occupant - et, en cela, déjà le faire progresser sur la voie de la modernité en créant une nation (donc un peuple unitaire) qui n'existait souvent pas à l'origine ? Au moment du débat sur les aspects positifs de la colonisation, en février 2005, la presse marocaine a publié une série d'articles très mesurés sur l'action d'unification exercée par les Français au Maroc, notamment la mise au pas des tribus rebelles au pouvoir monarchique. Sans manifester aucun regret pour le protectorat français, les Marocains, avec un sens très pondéré de l'objectivité, ont mis tous ces éléments au compte de l'ancien occupant. Croyez-vous que ce sentiment de culpabilité touche les jeunes générations, qui n'en ont un vécu que très indirect? Oui, c'est le paradoxe. On voudrait culpabiliser des gens qui n'ont rien à voir avec la colonisation, et ne peuvent assumer les fautes de leurs pères. C'est pourquoi il est important de leur enseigner l'Histoire objective, sans panégyrique ni honte. Le colonialisme est une affaire du passé, et aucune nation européenne ne manifeste de nostalgie vis-à-vis de cet épisode de son histoire. Pour nous, la page est tournée, et l'idée d'aller envahir ou occuper les territoires d'outre-mer ou étrangers est tout simplement impensable. En quoi un film comme Indigènes peut changer le regard des jeunes d'origine maghrébine sur la France ? Le devoir de mémoire revendiqué dans ce film peut-il générer la rancoeur et attiser les ressentiments de cette partie de la population envers la France, plus qu'il ne les apaise ? Je ne crois pas. Le ressentiment n'a jamais été dans l'intention des
réalisateurs d'Indigènes. Ils voulaient simplement faire connaître une page ignorée de
la deuxième guerre mondiale. Par là-même, ils
donnent aux jeunes Français d'origine maghrébine une image plus positive d'eux-mêmes en
leur apprenant que leur père ou leur grand-père ont combattu aux côtés des Alliés
contre le nazisme. L'affaire des pensions non versées aux anciens combattants
sénégalais ou maghrébins est par ailleurs tellement sordide que si le film Indigènes
n'avait eu qu'une finalité, verser des pensions décentes à ceux qui ont payé le prix
du sang, il aurait réussi. Mais je ne vois aucun motif dans ce film de colère ou de
rancoeur contre les Français. Encore une fois, cela s'est passé il y a un
demi-siècle.
Telerama.fr - 10 Octobre 2006telerama.fr Il n'y a pas d'humanité innocente
Maire communiste de la ville de Sevran, Stéphane Gatignon est aussi conseiller général de Seine-Saint-Denis. Fatima Hami Fatima Hami est membre de l'Association Collectif Liberté Egalité Fraternité Ensemble et Unis (ACLEFEU). Né à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, à la suite des violences urbaines de novembre 2005, ce collectif, après un "tour de France citoyen" dont l'objectif était de recueillir les paroles des Français, a porté, le 25 octobre 2006, ces "cahiers de doléances" à l'Assemblée nationale. Omar Dawson Titulaire d'un DESS en commerce international et habitant de la ville de Grigny, dans l'Essonne, Omar Dawson a crée, en 2003, avec deux amis, l'association Grigny Wood, visant à la promotion de projets audiovisuels. Le collectif; outre la réalisation de courts-métrages et de reportages, projette de mettre en place une web TV (télévision sur Internet) centrée sur la culture urbaine et mettant en valeur les actions positives dans les quartiers des zones urbaines prioritaires. Azouz Begag Ministre délégué à la Promotion de l'égalité des chances, Azouz Begag est aussi écrivain et chercheur français. Il a publié plus de vingt livres, dont plusieurs romans s'inspirant de son enfance, comme Le Gone du Chaâba ou encore Le Marteau pique-cur, un hommage rendu à son père. Mourad Ghazli Secrétaire national du Parti radical valoisien (associé à l'UMP), Mourad Ghazli est président et fondateur du Club France Fraternité. Xavier Lemoine Xavier Lemoine est maire UMP de Montfermeil, en Seine-Saint-Denis.
Dans la nuit de samedi à dimanche, une femme a été brûlée vive dans un autobus, c'était à Marseille, elle est entre la vie et la mort. Dans la nuit de vendredi à samedi, à Montfermeil, des jeunes s'en sont pris aux forces de l'ordre. Des voyous, ils sont sûrement très peu, commémorent, à leur manière, sinistre, un anniversaire qui n'a pas à être célèbre, et encore moins, fête, celui de la révolte des banlieues, il y a tout juste un an. Responsabilité des médias, peut être. A voir. Et la répression ? Nécessaire. Et au-delà de la répression ? Le logement, le plan Borloo, la rénovation urbaine ; et au-delà, l'emploi ; et au-delà, cela prendra du temps, trois à cinq ans, selon le ministre. Cela prendra du temps ! Ne pas ajouter une fracture sociale, une guerre des classes, qui a parfois des allures de guerre des civilisations, des religions ou des communautés. Y aura-t-il un vote des cités ? Quand les banlieues voteront... D'ailleurs, voteront-elles ? Se reconnaîtront-elles dans un discours politique ou un autre ? Créeront-elles un vote communautaire ? Quand les banlieues voteront... Des cités viendra-t-il une voix, un souffle, un message démocratique. Remplacerons-nous les voitures et les autobus en flammes par des images d'urnes pleines qui, mieux que des cailloux jetés à la face des institutions de la République, diront la colère et la volonté de ceux qui se sentent, à tort ou à raison, des exclus du pays ? Quand les banlieues voteront... un après les émeutes des banlieues...
Plusieurs centaines de personnes ont défilé dans le calme, vendredi 27 octobre 2006, à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, afin de rendre hommage à la mémoire de Zyed Benna et Bouna Traoré, les deux adolescents électrocutés il y a un an jour pour jour, alors qu'ils s'étaient réfugiés dans un transformateur électrique au cours d'une course poursuite avec des policiers. Ce drame avait été suivi par plusieurs semaines de violences urbaines dans les quartiers dits "sensibles" de nombreuses banlieues en France. A l'issue de la marche silencieuse, Claude Dillain, maire socialiste de Clichy, a lancé un appel au calme en direction des jeunes des banlieues, un message relayé par les familles et les amis de Zyed et Bouna. Un an après les émeutes, la tension en effet demeure dans les banlieues. Ces dernières semaines plusieurs incidents sérieux se sont déroulés entre jeunes et forces de sécurité, parfois pris dans des guets-apens. Plusieurs bus ont aussi été incendiés et une jeune femme a été grièvement brûlée dans l'un d'entre eux.
Les acteurs de terrain ainsi que de nombreux habitants interrogés par des médias, très présents ces derniers jours, confirment les risques d'une résurgence de la violence. Et les maires soulignent qu'à la moindre étincelle, tout peut recommencer, même si beaucoup jugent que la presse en a trop fait sur un "anniversaire" de nature à "raviver" les passions. Claude Dilain, a évoqué la "désillusion" de nombre d'habitants, expliquant : "On ne peut nier qu'on a obtenu certaines choses mais globalement les Clichois sont très déçus". Revenant sur la situation sociale de sa ville, il a expliqué qu'il faudrait que "les habitants de Clichy bénéficient des mêmes services publics que les autres Franciliens, alors qu'il faut aujourd'hui une heure et demie pour rejoindre le centre de Paris, qu'il n'y a pas d'ANPE ni d'Assedic alors qu'il y a 10 % de chômeurs, et pas non plus de caisse d'allocation familiale. Mais ça, ça dépend des orientations politiques générales". Le Premier ministre qui n'entendait pas laisser dire que "rien n'a été fait dans les banlieues" depuis les émeutes de 2005, même s'il a admit que "tous les problèmes ne seront pas résolus en un jour", a insisté, ce jeudi 26 octobre, lors de sa conférence de presse mensuelle, réalisée à Cergy-Pontoise, sur l'"action de fond" engagée depuis un an par son gouvernement et a mis en avant trois axes. Au niveau de l'emploi, le chef du gouvernement, affirmant que l'"on ne peut accepter que les jeunes des quartiers aient moins de chances que les autres d'avoir un emploi", a insisté sur la nécessité de mettre en place un accompagnement spécifique des jeunes dans leur recherche d'emploi et a rappelé que quinze nouvelles zones franches urbaines avaient été créées pour "revitaliser les quartiers". Face aux récentes violences dans les banlieues, notamment contre des policiers, le Premier ministre a réclamé des "sanctions immédiates et exemplaires" contre leurs auteurs. "Nous refusons dans notre pays toute zone de non droit". Dernier axe : l'éducation. Dominique de Villepin a annoncé toute une série de réformes pour améliorer l'orientation des élèves et leur insertion dans le monde du travail : entretien d'orientation en troisième, dossier unique d'accès à l'enseignement supérieur en terminale et suivi des affectations à la sortie du baccalauréat dans chaque académie. "L'école est le premier moteur de la réussite et de l'ascenseur", a-t-il souligné, "et il est impératif de le relancer." Le même jour, le premier "anniversaire" de l'explosion de la crise des banlieues était au cur de la quatrième confrontation entre les trois prétendants à l'investiture socialiste, réunis au Zénith de Paris, devant plus de 6 000 militants. Prenant la parole le premier, Laurent Fabius a dénoncé l"'échec total" du ministre de l'Intérieur. "Il faut que les électeurs, et notamment ceux des banlieues qui veulent que reviennent la paix civile et l'harmonie et que ces quartiers aient une chance, votent et décident en 2007 de mettre monsieur Sarkozy en retraite !" S'adressant à son tour à Nicolas Sarkozy, Dominique Strauss-Kahn lui a demandé de faire un "signe", poursuivant : "Il faut retirer maintenant les cars de police des cités... Ce ne sont pas des terrains conquis militairement et qu'il faut occuper, ce sont des villes où il y a nos jeunes". Quant à Ségolène Royal, elle a préféré insister sur l'intégration : "Si la République tient sa promesse égalitaire... et si la France et si la nation reconnaissent enfin comme légitimes tous leurs enfants d'où qu'ils viennent en cessant de les appeler de la première, de la deuxième, de la troisième génération... alors les choses changeront dans notre pays". Enfin, les trois candidats sont tombés d'accord sur la nécessité de mettre en uvre une "autre politique de la sécurité" en rétablissant "d'urgence" la police de proximité. Même consensus sur la nécessité d'accorder davantage de moyens aux quartiers sensibles. Le sujet des banlieues s'est donc invité dans la campagne électorale, avec un nouvel affrontement droite-gauche sur les mérites respectifs de l'autorité et de la solidarité. Novembre 2005, les "quartiers sensibles" s'enflamment pendant vingt-quatre jours. Un an après, on se souvient de la mort de Zyed et Bouna, des 149 membres des forces de l'ordre blessés, des 10 000 véhicules brûlées, des 233 bâtiments publics et 74 bâtiments privés incendiés. On se souvient des 3 200 interpellations, 1 600 poursuites judiciaires - dont 785 personnes écrouées -, des 551 mineurs déférés et des cinq policiers mis en examen. On se souvient enfin de la visite d'une brochette de vedettes, telles que Jamel et Joey Starr, des collectifs Devoirs de mémoires et AC Le feu, débarquant un jour de décembre à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, pour inciter les jeunes des cités à s'inscrire sur les listes électorales. Mais cette ambition s'est-elle concrétisée ? Au ministère de l'Intérieur, on note que fin 2005, il n'y a pas eu de croissance du nombre d'inscriptions après les émeutes. 300 000 personnes se seraient présentées cette année-là aux guichets d'état civil des mairies. Dans le département de la Seine-Saint-Denis, fin 2005, une augmentation de 2 % des inscriptions a été enregistrée. Une hausse expliquée par le ministère de l'Intérieur par "la croissance démographique". Une augmentation devenant "significative" au-delà de 3 %. Pourtant, des pics d'affluence ont été observés dans certaines villes, notamment en banlieue (Nanterre : + 25 %, Bobigny : + 26 %). Le club des élus Allez la France estimait, en janvier 2006, que "la hausse des inscriptions sur les listes électorales varie selon les villes de 7 % à 32 %" par rapport à 2004. Les mobilisations citoyennes qui ont suivis les émeutes de novembre y ont-elles contribué ? Certain comme Rachid Nekkaz, président du club des élus Allez la France et candidat à la présidentielle parle "d'une conscientisation des jeunes" après les émeutes. Selon d'autres, comme Franco, rappeur du groupe de La Brigade, qui a impulsé l'association Vote ou crève dans une cinquantaine de communes, qui relativise l'action d'incitation : "Pour renverser une attitude, il faut du temps". Signe des temps pourtant, depuis quelques mois, le tee-shirt au slogan "Vote ou crève" est porté par de nombreux jeunes dans les rues des quartiers sensibles. Et quand on interroge certains sur le vote, les réponses tombent comme des évidences : "Voter bien s^r", avec pour première motivation : "Ne pas revivre de 21 avril 2002". Alors frémissement ou prise de conscience ? Réponse le 22 avril 2007. Né à Clichy-sous-Bois à la suite des violences urbaines de 2005, le collectif AC Le feu a sillonné le pays lors d'un "tour de France" de mars à juin 2006. Les militants se sont donnés pour mission de "permettre aux gens de mettre des mots sur leurs maux". 120 villes au total ont reçu la visite du minibus d'AC Le feu, 20 000 "constats et doléances" ont été recueillis. Le 25 octobre 2006, deux jours avant la "commémoration" du drame de Clichy-sous-Bois qui avait vu, le 27 octobre 2005, la mort de deux jeunes, électrocutés alors qu'ils fuyaient les forces de l'ordre, point de départ de la crise dans les banlieues, ils ont organisé une marche vers l'Assemblée nationale afin de remettre aux institutions les "doléances" qu'ils ont récoltées dans les 120 villes de France visitées. Après avoir essuyé un refus du président de l'Assemblée, Jean-Louis Debré, ils ont finalement pu rencontré et les remettre aux représentants des quatre groupes politiques : Frédéric Dutoit et Patrick Braouezec pour le PCF ; Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste ; Hervé Morin, président du groupe UDF, et Gérard Hamel, chargé de la ville au sein du groupe UMP. Au Sénat, les représentants d'AC Le feu ont été reçus par une délégation comprenant les différents groupes politiques. Y figurait le sénateur UMP de l'Aisne, Pierre André, rapporteur de la mission d'information du Sénat sur les quartiers en difficulté. Les doléances L'emploi arrive en tête des priorités exprimées, devant le logement, les inégalités et les discriminations. L'insécurité arrivant bien après. Extraits des doléances.L' emploi * Création d'une loi portant un quota minimum de salariés de moins de 25 ans dans les entreprises * Hausse du Smic et des salaires * Redistribution des bénéfices en salaires, primes ou actions * Création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 18 à 25 ans en formation ou en insertion * Développement des CDI * Contrôle de l'égalité des salaires entre hommes et femmes * Formation obligatoire et aux frais des entreprises * Création massive de postes d'inspecteurs du travail, pour assurer cette mission et renforcer celle de contrôle des entreprises * Lutter contre les délocalisations par le remboursement des aides reçues par les entreprises s'il y a délocalisation * Renforcement des services publics d'aide à l'emploi et à l'insertion professionnelle * Aide massive aux associations chargées de l'insertion de la jeunesse * Création d'une banque nationale d'aide à la création d'entreprise par des jeunes * Rétablissement des emplois jeunes, qui doivent être qualifiants et dont le recrutement doit être mieux étalés en terme de qualification initiale (recruter certains avant le bac, pour certains postes) * Développer le nombre de place en BTS et en IUT ainsi que leur couverture géographique * Assurer l'apprentissage de la conduite automobile dans le cadre scolaire Les discriminations * La discrimination positive et le CV anonyme ont suscité des avis partagés : la plupart les dénoncent, mais certains les proposent, en désespoir de cause * Une prise en compte plus importante des plaintes déposées pour discrimination, accompagnée de sanctions plus lourdes * Garantir l'égal accès aux services publics sur tout le territoire français : établissements scolaires, centres de Sécurité sociale, agence ANPE... * Une meilleure reconnaissance des diplômes étrangers * Le lancement d'une grande campagne médiatique de dénonciation et de sensibilisation contre les discriminations avec les méthodes et les moyens utilisés pour la sécurité routière * Le développement à l'école d'apprentissage valorisant les différentes cultures, notamment au travers de l'art, la littérature et l'histoire * L'augmentation et la pérennisation des moyens des associations d'éducation et de lutte contre le racisme et les discriminations * L'enseignement d'une histoire partagée et plus juste (sur la colonisation et les traites) Le logement et le cadre de vie * Pénalisation des entreprises polluantes * Favoriser les produits biodégradables et/ou recyclables * Favoriser la recherche et la mise en uvre des énergies alternatives face aux énergies fossiles et au nucléaire * Création d'un droit constitutionnel au logement * D éfinition d'un "plan Marshal" pour le logement * R espect des obligations de la loi SRU, sans dérogation : suspension ou inéligibilité des maires récalcitrants * Dispersion des HLM dans les villes * Développement des commerces de proximité et répartition des services publics et culturels dans toute la ville * Mise en place d'un droit spécifique favorisant l'accès au logement * Revaloriser l'APL * Création d'une loi d'encadrement des loyers privés et des conditions d'attribution * Limiter les hausses de loyer en fonction de ratio raisonnable entre loyers et salaires * Création d'une Caisse nationale d'assurance sociale pour les cautions * Construction de nouveaux logements sociaux (en HLM, de toutes tailles, dans de petites unités de logements, avant de procéder à des destructions * Réquisition des logements et bureaux vides * Mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes en formation ou en insertion qui leur permet de s'installer seuls ou en couple * Création d'emplois pour l'entretien des cités pour des jeunes de la cité * Création de cadres de concertation bailleurs sociaux et habitants * Contrôle du rapport entre les charges et le loyer, et contrôle sur les syndics, au travers d'une commission départementale du logement qui associe pouvoirs publics, bailleurs privés et locataires * Condamnation judiciaire des marchands de sommeil * Accompagnement des locataires en difficulté pour payer les loyers Justice * Privilégier la prévention et les alternatives à l'incarcération * Développer le travail de réinsertion dans les prisons et les formations diplômantes ou qualifiantes * Payer décemment le travail des prisonniers * Définir une vraie politique de libération conditionnelle * Développer les parloirs familiaux, garantir l'intimité et un environnement adapté aux enfants pendant les visites * Arrêter de répondre par l'incarcération à la maladie mentale * Mettre fin à la politique de ghettoïsation ethnique dans les prisons * Création de postes d'éducateurs notamment spécialisés dans l'insertion professionnelle, de psychologues, de médecins, dans les prisons * Promouvoir la diversité des origines (sociale, culturelle et ethnique) dans le recrutement des magistrats et des autres membres du tribunal, sur le modèle de l'IEP de Paris * Réformer le recrutement pour que les magistrats soient moins coupés de la réalité qu'ils ont à juger (suppression de la limite d'âge...) * Accélération du traitement des affaires par les tribunaux * Refonte du système des honoraires des avocats * Application des lois à tous, sans privilèges de position, de richesse... Retrouvez un résumé des "constats et doléances" sur le site du collectif AC Le feu. (Sources : AFP, AC Le feu)
Un an après, les banlieues une
édition spéciale Du 20 au 27 octobre, KTO vous propose de poser un autre regard sur les banlieues. Magazines, documentaires, interviews : toute la rédaction de KTO se mobilise autour de la même thématique. Pour introduire cette semaine exceptionnelle, la chaîne diffuse une édition spéciale de 2h10.
« Joue-la comme la vie »
Dans la cité des Bosquets à Montfermeil, en région parisienne, la
place de la femme nest guère enviable. Elle est celle des vingt sept ethnies qui
composent sa population, dimmigration souvent récente. Réalisé par Hubert BrunouUn an après, les banlieues
Le Monde.fr Banlieues le noyau dur de la violence, par Luc Bronner
Banlieues, agents provocateurs, Sarkozy 28 mai 2007 par Yves Ducourneau Qui se souvient des incendies de bus doctobre 2006 ? Survenus dans un contexte étrangement calme, certains incendies ont laissé une impression dorganisation : les incendiaires étaient cagoulés et armés et sévanouissaient aussitôt leur forfait commis. Inversement, dautres incendies avaient une allure amateur et étaient commis par des jeunes gens qui voulaient imiter les premiers et qui, malheureusement, ont parfois failli tuer des passagers, comme à Marseille.
À lépoque, un communiqué du Parti Communiste Français (PCF) décrit certains incendies comme des actions « manifestement très organisées » (1), tandis que le site dinformation alternatif bellaciao évoque une « opération de barbouzage » (2), autrement dit menée par les services secrets. Barbouzage : le mot est lâché. Or, Wayne Madsen, lun des meilleurs journalistes dinvestigation étasuniens (il fut sélectionné pour interroger la Commission denquête sur le 11 septembre), révèle sur son site Wayne Madsen Report (WMR) que certains incendies de bus dans les banlieues françaises étaient le fait dagents provocateurs, financés par une caisse noire alimentée par des saisies dans les affaires de drogue, le tout... sous la houlette de Nicolas Sarkozy (3). À en croire Madsen, le reproche fait à Sarkozy par de nombreux cadres de la gauche davoir mis le feu aux banlieues pourrait bien se révéler être à prendre au pied de la lettre ! Madsen tient son information dune source appartenant aux services secrets français et qui qualifie par ailleurs Nicolas Sarkozy de « petit Hitler français » - chacun appréciera la formule. Une enquête allemande confirme en partie En matière de services secrets, la prudence reste de mise : une manipulation est toujours envisageable et on a rarement de certitudes à chaud. Toutefois, un journaliste allemand, Udi Ulfkotte, confirme la présence des agents provocateurs dans les banlieues françaises et Madsen lui-même est fin connaisseur des services secrets et de politique internationale. Par ailleurs, observons le fait suivant : une manipulation ne fonctionne que si elle se propage dans lopinion. Cest pourquoi les manipulateurs préfèrent sadresser à la presse nationale plutôt quà un journaliste étranger sans relais médiatique national - fut-il bon. Un exemple ? La petite affaire Clearstream (laffaire française) sest essentiellement propagée grâce à la presse et notamment au journal Le Monde. Si elle sest propagée si fortement, cest parce quelle émanait dun grand journal. Linformation du Wayne Madsen Report établissant une connexion entre Nicolas Sarkozy et un réseau de barbouzes opérant dans les banlieues na pas suivi ce circuit et qui plus est, a été confirmée en partie par une deuxième enquête, celle dUdi Ulfkotte. Par conséquent, lévidence est de dire que nous navons pas ici la signature dune manipulation - au contraire. Lautre examen de linformation du Wayne Madsen Report consiste à se demander si elle sinscrit logiquement dans ce que nous savons. Selon Madsen, cest le cas puisque Sarkozy et la politique quil sapprête à mener sont qualifiés de néo-conservateurs. Or, nous savons que la doctrine néo-conservatrice comporte notamment lidée que la défense de la démocratie sopère mieux en présence dun ennemi extérieur et quen labsence dun tel ennemi, il convient de le fabriquer. La doctrine néo-conservatrice recycle la stratégie de la tension, technique bien connue de nos amis des services secrets, ici à peine enrobée pour séduire des gouvernants de plus en plus décomplexés. Fabriquons la violence pour pousser la population à rechercher lautorité et la sécurité en échange dune diminution de leurs libertés, telle pourrait être la devise des néo-conservateurs qui, outre-Atlantique, excellent en travaux pratiques. Les émeutes urbaines nourrissent la peur, qui nourrit le vote Sarkozy : tout se tient Malgré la cohérence de linformation apportée par le Wayne Madsen Report, gardons par prudence lidée que cette information est vraie avec une chance sur deux. À quoi sert une telle information ? Eh bien, outre sa gravité potentielle, à nous rendre vigilants. Dans labsolu, une dérive est toujours possible et cest notre négligence qui la rend possible. Tous les citoyens, quils aient voté ou non pour Nicolas Sarkozy, devraient garder cette information dans un coin de leur tête et se montrer particulièrement attentifs dans les mois et les années à venir. Chaque mois, chaque année qui passera sans débordements de violence « manifestement très organisé(s) » montrera non pas que linformation du Wayne Madsen Report est erronée mais que laction des barbouzes a été limitée dans le temps. Inversement, si des émeutes se produisent, les citoyens devront sattacher au moindre détail : le mode opératoire dénote-t-il une grande organisation ? La violence est-elle montée progressivement ou a-t-elle été précédée de pics ? (les pétards dans la poudrière...) A-t-on interpellé les fauteurs de trouble et sont-ils crédibles vis-à-vis des faits reprochés ? Le gouvernement présente-t-il à chaud un texte de loi dont la sophistication suggère quil était préparé ? Cette vigilance est le devoir sacré de tout citoyen, quel que soit le président de la République élu, et ce devoir ne se résume pas bien entendu aux seules violences urbaines. Tout pouvoir a besoin dun contre-pouvoir. Menaces à venir Poursuivons
notre réflexion et supposons vraie linformation du Wayne Madsen Report établissant
une connivence entre Nicolas Sarkozy et les barbouzes qui incendiaient les bus en octobre,
et tentons denvisager comment Nicolas Sarkozy se servira demain de son arme secrète. Trois scénarios se dégagent : Un premier indice en faveur du scénario 3 nous est fourni par les menaces brandies récemment par Al-Qaïda à lencontre de la France, menaces parvenues par le même canal que les revendications des attentats de Madrid et Londres, deux opérations aux forts relents barbouzards. Le recours à ce canal nous met donc la puce à loreille. Dans le même temps, nexagérons rien car les menaces sans suite sont légion. Un deuxième indice en faveur du scénario 3 nous est suggéré par le Wayne Madsen Report, lequel rapporte que Nicolas Sarkozy, sitôt élu, a entamé une purge des services secrets français, qualifiée par Madsen de « purge stalinienne » (4) - et notez bien : alors que nous sortons dun gouvernement de droite. Daprès Madsen, les services secrets - notez toujours, ceux laissés par Jacques Chirac, pas par la gauche - sont jugés trop pro-arabes et trop proches de la gauche. Cette purge pourrait annoncer un tournant dans la politique internationale de la France et déboucher sur une politique plus à droite, plus Atlantiste et plus pro-israélienne que ne létait celle de Jacques Chirac, qui en la matière fut fidèle aux traditions française et gaullienne. Comment le président nouvellement élu fera-t-il accepter ce tournant par les français, alors que la politique internationale a été lune des grandes absentes de la campagne ? Nicolas Sarkozy passera-t-il outre lavis des français, comme le fit Tony Blair en Grande-Bretagne en défiant un cortège dun million de manifestants anti-guerre ? Ou, et lon revient à la nécessité de services secrets décomplexés, exploitera-t-il un événement intérieur capable de refaçonner lopinion ? Sagissant de politique intérieure, il naura échappé à personne que Nicolas Sarkozy veut aller vite en réformes. Dans un pays que lon dit ingouvernable, une diversion, comme un attentat majeur par exemple, tomberait à pic : le temps que lon se remette de nos émotions et hop, on découvre que les grandes réformes sont passées ! Le scénario 2 comporte une variante astucieuse : les réformes promises pourraient provoquer à la rentrée 2007 un important mouvement social. Les jeunes issus des banlieues défavorisées, particulièrement attaqués tant par le candidat Sarkozy que par le ministre de lIntérieur Sarkozy, et qui ont voté massivement pour Ségolène Royal, pourraient sy joindre. Dans un tel cas, la mission confiée aux barbouzes consistant à créer des désordres dans les manifestations afin de rendre le mouvement impopulaire sera odieusement facilitée : il sera facile dimputer les débordements à ces jeunes, dont limage est déjà abîmée dans lopinion. Enfin, scénario 1 : Sarkozy choisit de compter sur sa seule force politique et sur ses talents de communiquant et entend gagner à la loyale. Compte tenu de lego du personnage, ce nest pas impossible. Combinaison explosive Aucun des trois scénarios na ma préférence et nul ne sait à quoi ressemblera le quinquennat Sarkozy. Mais la présence dagents provocateurs dans les banlieues en octobre dernier, le soupçon dune connivence entre ces agents et le nouveau président, la purge des services secrets entamée au lendemain de sa victoire, les besoins dun calendrier politique à la fois ambitieux et risqué, lallégeance de Nicolas Sarkozy aux néo-conservateurs étasuniens et à Israël (5) et ses élans de camaraderie envers Tony Blair, qui a fabriqué les faux permettant de déclencher la guerre préventive étasunienne en Irak, forment une combinaison explosive qui éveille ma méfiance à un degré inimaginable sous Jacques Chirac. (1) "Incendie des Bus de Nanterre et Bagnolet" (2) "Incendies de bus cette nuit, ça sent le barbouzage" (3) WMR les 23, 25 et 26 octobre 2006, traduit ici : "Banlieues : des allégations en provenance des US" (4) WMR le 10 mai 2007, chercher "Tintoni". (5) "Discours - Déplacement de Nicolas Sarkozy aux États-Unis du 9 au 12 septembre 2006"
Violence dans les banlieues : regarder la réalité en face Par Jean-Pierre LE GOFF La mort de deux jeunes à Clichy-sous-Bois a servi de déclencheur à des violences et des actes de vandalisme de bandes de jeunes dans les banlieues. Les formules, provocatrices et indignes dun homme dÉtat, du ministre de lintérieur accompagné dune cohorte de journalistes et de caméras, avaient auparavant contribué a exacerber la tension. Ces violences dans les cités révèlent une réalité dont il faut prendre la mesure en évitant langélisme et les faux-fuyants. Quelle solidarité première ? La vie dans les banlieues ne se confond pas avec les images de ces nuits
de violence et de destruction. Des réseaux dentraide et de solidarité entre
habitants se sont mis en place dans des conditions souvent difficiles. La grande majorité
désire plus de sécurité, plus demploi, de meilleures conditions de vie et dhabitat.
Cest sur ce terreau-là quune dynamique positive peut se développer et non
sur les bandes de jeunes adolescents et post-adolescents qui ont basculé dans la
délinquance et la destruction. Comment interpréter les événements ? De multiples analyses et commentaires interprètent les événements avec
des schémas qui, pour lessentiel, se refusent à voir ou secondarisent le
caractère sauvage, désespéré et nihiliste de la révolte des bandes de jeunes.
Certains y voient un signe de la montée des communautarismes, de lemprise de lislam
radical, voire la concrétisation dune guerre des civilisations. Dautres, au
contraire, les considèrent à tout prix comme lexpression dune pure révolte
contre les discriminations et les inégalités, ou encore, à linverse de toutes les
apparences, comme étant le signe dune intégration. De tels schémas idéologiques
ont pour effet de rabattre des événements dans des catégories générales
prédéterminées qui en dissolvent la singularité. Avant même daborder les
conditions qui ont rendu possibles de tels événements et de les situer dans le cadre des
banlieues et de la société, il convient de délimiter le phénomène et de cerner ses
aspects nouveaux. Que faire ? Face à cette réalité, il nexiste pas de remèdes simples dont les
effets seraient immédiats. Mais il est important à la fois de fixer des repères et de
tirer des leçons des pratiques passées. Avant même denvisager des mesures
particulières, il est des questions centrales auxquelles il nest plus possible déchapper.
21 novembre 2005
|