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Religions : le point Catholicisme " L'Eglise, corps du Christ "Doctrine fondée sur le mystère de l'Incarnation et la foi en un dieu trinitaire, le christianisme regroupe aujourd'hui 2 milliards de fidèles, divisés en trois religions bien distinctes et souvent antagonistes : le catholicisme, la plus monolithique mais aussi la plus importante, l'orthodoxie, la plus traditionnelle et la plus " intérieure ", et le protestantisme, aujourd'hui la plus dynamique. Jean Delumeau Le nom de " chrétiens " est apparu, selon les Actes des Apôtres (12, 6), à Antioche vers 40 et, semble-t-il, avec un sens péjoratif. Il désignait les disciples d'un certain Christos, c'est-à-dire Jésus. Puis les fidèles de celui-ci, soumis à des persécutions, mirent leur fierté à se proclamer chrétiens. A l'époque, comme aujourd'hui, l'entrée dans le christianisme se faisait par un baptême qui comporte l'adhésion à une foi. Laquelle ? Une des premières formulations de la foi chrétienne fut le credo de saint Irénée au IIe siècle. On y lit : " [Nous croyons en] Dieu Père, incréé, invisible, le Créateur de l'univers. [Nous croyons au] Verbe de Dieu, le Fils de Dieu, le Christ Jésus notre Seigneur. Il s'est fait homme parmi les hommes [...] pour détruire la mort, faire apparaître la vie et établir la communion de Dieu à l'homme. [Nous croyons en] l'Esprit saint qui a été répandu sur notre humanité pour renouveler l'homme sur toute la terre en vue de Dieu. " Les premières professions de foi donnèrent naissance aux deux credo encore récités aujourd'hui : celui élaboré par les conciles de Nicée (325) et Constantinople (381), qui insistèrent sur la divinité de Jésus et sur le Saint-Esprit, et celui qu'on appelle le " Symbole des apôtres ", dont la première rédaction remonte au IIe siècle mais qui prit sa forme actuelle au VIe siècle ; il inclut la croyance à la " communion des saints ". Ces textes confirmèrent les fidèles dans la foi en un dieu trinitaire dont une des " personnes " s'est incarnée dans l'humanité pour le pardon des péchés, est morte et a été ressuscitée d'entre les morts : des affirmations sans précédent dans l'histoire religieuse de l'humanité. Car, pour ce qui est de l'Incarnation, le rapprochement avec les avatars de Vishnou ne peut être que superficiel. Vishnou apparaît tour à tour comme poisson, tortue, comme le pieux guerrier Rama ou comme Krishna, l'amant parfait. Mais il ne devient pas la forme qu'il prend. Elle n'est qu'une apparence. Pour le christianisme, au contraire, Dieu n'a pas fait semblant : il est devenu l'un d'entre nous. " Il a gémi dans un berceau, écrit Luther... Il a tété les seins de sa mère et a été couché dans une crèche : voilà l'article principal de notre foi. " L'Incarnation a révolutionné l'image de Dieu. Autre innovation chrétienne, la plus paradoxale et qui donne sens au reste ; la résurrection de Jésus, qui a été " relevé " d'entre les morts. Or il ne s'agit pas, comme dans les religions à " mystères " de l'Antiquité, d'une divinité qui meurt à l'automne pour renaître au printemps, mais du fils de Dieu arraché définitivement au séjour des morts. Le corollaire de cette doctrine est la conviction que Jésus, en ressuscitant, nous a ouvert les portes du royaume des cieux et qu'il nous y accueillera. Le Seigneur a lui-même donné les conditions de cet accueil : " J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger ; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire ; j'étais un étranger et vous m'avez recueilli " (Matthieu, 25, 35). Jean, dans sa première lettre, a résumé tout le christianisme lorsqu'il a écrit : " L'amour vient de Dieu, puisque Dieu est amour. " (3, 7-8). Il existe donc un noyau dur du christianisme. Celui-ci se présente néanmoins depuis longtemps avec des visages contrastés. Des conflits naquirent entre chrétiens au sujet de la religion et ils tournèrent, hélas, parfois aux conflits armés. Deux ruptures ont notamment marqué leur histoire : d'abord, les excommunications réciproques du pape et du patriarche de Constantinople, en 1054, à la suite desquelles l'Eglise romaine se déclara seule " catholique ", c'est-à-dire universelle, tandis que la partie adverse se revendiquait " orthodoxe " et, donc, seule gardienne de la pure doctrine. Ensuite, l'excommunication de Luther, en 1520, qui provoqua une fracture dans la chrétienté latine entre les protestants et ceux qui restaient catholiques. Une contre-réforme s'opposa alors à la réforme de l'Eglise souhaitée par Luther. Depuis, les orthodoxes, au nom de la collégialité, refusent l'omnipotence du pontife romain. Celle-ci est aussi rejetée par le protestantisme. Mais, à l'époque, le contentieux entre Rome et Luther porta encore plus sur la justification par la foi, le concile de Trente refusant de croire que le péché originel avait détruit la liberté humaine et maintenant que, la grâce de Dieu aidant, le pécheur peut encore contribuer à son salut par ses propres " oeuvres ". On aperçoit mieux aujourd'hui qu'autrefois que chacune des Eglises en compétition s'efforça d'approfondir la partie du message chrétien qu'elle mettait le plus en valeur. Chacune a eu son style propre dans la manière de comprendre et de vivre l'Evangile. Aux yeux de nos contemporains l'Eglise catholique se caractérise par sa structure pyramidale, sa forte centralisation autour du pape, le rôle accordé à la tradition et aux sept sacrements, l'importance des prières adressées à Marie et aux saints, le nombre et la variété des ordres monastiques et des congrégations religieuses auxquels elle a donné naissance. En profondeur, quelques marques essentielles du catholicisme doivent être soulignées. D'abord, il ne conçoit pas et ne vit pas l'Eglise seulement comme une structure, un squelette sans chair. Du pape aux fidèles, en passant par les évêques et les prêtres, elle est définie comme " le corps du Christ " qui prolonge et doit achever la mission de son fondateur. L'Eglise relie le monde à Dieu et, de ce fait, sa hiérarchie est investie d'un triple pouvoir : celui d'enseigner et de garder la foi ; celui de sanctifier les fidèles par l'administration des sept sacrements - baptême, eucharistie (l'un et l'autre reconnus par toutes les Eglises), réconciliation, confirmation, ordination sacerdotale, mariage et sacrement des malades ; et enfin le pouvoir de juridiction sur les fidèles par lequel elle exerce une action pastorale. De nos jours, les théologiens catholiques parlent volontiers de " sacramentalité " de l'Eglise. Car un sacrement est un don de Dieu à la fois offert et reçu. Ainsi, dans l'eucharistie, Jésus invite à son repas pascal le fidèle qui, de son côté, accepte de devenir membre du " corps du Christ ". La sacramentalité de l'Eglise signifierait que celle-ci, non seulement par ses structures, mais aussi par ses paroles et ses actes, annonce le futur royaume de Dieu, les fidèles recevant ce don à la fois comme un avenir et comme un " déjà-là ". La place éminente faite par le catholicisme à l'Eglise explique le rôle qu'elle continue d'accorder à la tradition, alors que le protestantisme a voulu fonder toute la foi chrétienne sur la seule Ecriture sainte. La théologie romaine a estimé que l'Eglise avait vocation à expliciter en fonction des situations historiques successives le contenu d'une révélation terminée depuis la fin des temps apostoliques. Ce vouloir d'explicitation explique la proclamation tardive des dogmes de l'Immaculée Conception (1854), de l'infaillibilité pontificale (1870) et de l'Assomption de Marie (1950). C'est encore en faisant jouer son droit et son devoir d'expliquer les textes de la révélation et d'être garante de la tradition que l'Eglise catholique a favorisé le culte des saints. La doctrine paulinienne du " corps mystique " a servi de support à l'affirmation que vivants et défunts continuent de prier les uns pour les autres. Cette " communion des saints " est absente du credo de Nicée-Constantinople, mais elle est présente dans la rédaction définitive (VIe siècle) du " Symbole des apôtres " et elle était à l'époque l'expression d'une conviction largement répandue chez les chrétiens. Le culte renforcé rendu aux saints dans l'espace catholique après la rupture du XVIe siècle s'est donc présenté comme un éclairage donné à un texte de saint Paul à la lumière de l'évolution historique. Reste posé le problème de la fidélité aux sources. Mais l'important n'est peut-être plus là. Pour que le tissu chrétien parvienne à se recomposer, il faudra que les différents dogmes, traditions et sensibilités qui se sont écartés les uns des autres consentent à s'accepter mutuellement autour d'une plate-forme commune : un credo qui serait rédigé dans le langage d'aujourd'hui. © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 43 - 1321 mots Orthodoxie" Le souffle de l'Esprit saint " Avec quelque 220 millions d'adeptes, principalement en Europe orientale et en Russie, cette religion est le plus traditionnel et le plus mystique des christianismes. Propos recueillis par Catherine Golliau Quelle est la spécificité de l'orthodoxie ? Olivier Clément : Elle est l'expression du christianisme la plus proche de l'Eglise du premier millénaire, en continuité avec la vision des sept grands conciles oecuméniques et des Pères de l'Eglise. Cela ne signifie pas qu'elle est un conservatoire, même si cela peut être parfois sa tentation : après la séparation officielle de l'Eglise d'Occident,elle a fourni des théologiens de premier plan, comme saint Grégoire Palamas, au XIVe siècle. Mais elle a été confrontée à des chocs violents plusieurs fois - les Arabes au VIIe siècle, les croisés et les Tatars au XIIIe siècle, les Turcs au XVe et le communisme au XXe -, d'où une tendance au conservatisme (sacralisation de détails liturgiques, lecture à la lettre des canons, messianisme nationaliste...). Son histoire est ainsi semée de schismes comme celui des " vieux croyants ", en Russie surtout, qui donnent une importance presque magique aux symboles. Mais il faut voir au-delà : l'orthodoxie est d'abord une expérience spirituelle exceptionnelle, centrée sur l'Esprit saint et la Pentecôte, où la liturgie est essentielle. Celle-ci se comprend comme la communion vécue par tous, qui pacifie et approfondit l'homme jusque dans son corps, où la Beauté est médiation. Cette beauté est celle du Dieu fait homme. La force de l'orthodoxie est d'avoir gardé de la Résurrection, de l'eucharistie, de la sainteté, une conception intégralement réaliste et ontologique, physique. Au mont Athos, en Grèce, où vit la plus grande communauté monastique de l'orthodoxie, vous pouvez voir des hommes qui prient comme ils respirent. La méthode de l'hésychasme, que l'on appelle parfois le " yoga chrétien ", est une prière liée aux rythmes du coeur et de la respiration. Quel est le sens de l'icône, cette peinture sur bois à laquelle les fidèles semblent vouer un véritable culte ? La vénération des images saintes, les icônes, est un dogme de la foi formulé par le VIIe concile oecuménique de Constantinople, en 787. L'icône (qui n'est pas seulement un tableau, mais peut inclure l'église tout entière, d'où les multiples fresques) fait partie intégrante de la liturgie. Le Christ n'est pas seulement le Verbe de Dieu, il est aussi son Image. L'Incarnation fonde l'Icône, qui montre l'Incarnation et reçoit la grâce divine. Elle n'est toutefois pas consubstantielle avec le Christ et ne remplace pas l'eucharistie. L'icône fondamentale est celle du Christ, l'image du Père, source de la divinité, étant interdite. Le Saint-Esprit, qui pour les orthodoxes émane du Père seul (de là la rupture avec les catholiques, pour qui il procède aussi du Fils, le fameux " Filioque "), est représenté seulement par une colombe et des langues de feu, comme lorsqu'il est apparu aux apôtres le jour de la Pentecôte. Quels sont les grands défisde l'orthodoxie moderne ? Face aux grandes questions d'aujourd'hui (l'avortement, la génétique...), son attitude est proche du catholicisme, mais elle agit toujours avec l'" économie ", en s'adaptant à la situation personnelle. Sur le fond, l'orthodoxie est composée d'Eglises convalescentes qui connaissent encore des crises graves. Elle a connu à la fin XIXe et au début du XXe siècle une dynamique remarquable, liée au développement de la " philosophie religieuse ", surtout russe, mais aussi roumaine. Le communisme soviétique a écrasé ensuite toute pensée théologique pendant trois quarts de siècle. Aujourd'hui, on constate une vitalité nouvelle, au séminaire de Saint-Vladimir, près de New York, ou à l'institut Saint-Serge, à Paris. Pourquoi se convertit-on aujourd'huià l'orthodoxie ? Dans ma jeunesse, on y recherchait une certaine alliance de la liberté et du mystère, la simplicité des dogmes, une vision cosmique. Aujourd'hui, les catéchumènes semblent plus sensibles à l'esthétique spirituelle, la beauté des icônes, par exemple. Beaucoup ignorent toutefois les problèmes des Eglises d'Orient... © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 45 - 604 mots Protestantisme L'homme seul face à DieuAvec près de 700 millions d'individus dans le monde, le protestantisme est la plus protéiforme, la plus décentraliséeet la plus dynamique des religions issues du christianisme. Sébastien Fath Le protestantisme s'est différencié de l'Eglise catholique au XVIe siècle sur un point essentiel : la définition même de l'Eglise. Pour un catholique, l'Eglise est une institution sacrée, théocratique : elle fonde l'identité chrétienne. Les protestants considèrent que cette centralité de l'institution a peu à peu déformé le message divin. Celle-ci, en effet, est pour eux faillible et contestable. C'est pourquoi ils ont déplacé la source première de la légitimité : elle n'est plus l'Eglise, mais un texte, la Bible. Ce basculement, qu'on a pris l'habitude de décrire comme la Réforme, s'est vraiment opéré le 18 avril 1521 à la diète de Worms. Ce jour-là, un moine allemand, Martin Luther (1483-1546), est convoqué pour rendre des comptes. Loin de capituler, le voilà qui se cabre : entre l'obéissance à l'institution et sa conscience, il choisit sa conscience, " captive de la parole de Dieu ". Par ce défi, il fonde le protestantisme. Depuis lors, c'est le principe du sola Scriptura (l'Ecriture seule) qui prime chez les protestants. Ce retour à l'Ecri-ture s'accompagne d'une mise en valeur de l'individu : homme ou femme, le fidèle doit pouvoir s'approprier le texte, donc apprendre à lire, d'où l'accent précoce des protestants sur l'éducation. Tandis que le catholique est invité à obéir au magistère de l'institution, " les protestants sont des gens qui font eux-mêmes leurs poteaux indicateurs " (Péguy). Ce décalage explique la plupart des différences qui séparent aujourd'hui les protestants des catholiques. Les premiers contestent le culte marial, refusent un clergé célibataire et le culte des saints, remettent en question certains sacrements et insistent sur un salut " par la foi seule " (" sola fide "). Leur critique de la tradition catholique va jusqu'à la composition de la Bible. A la différence de la version recommandée par l'Eglise catholique, celle qu'ils lisent est dépourvue de huit livres de l'Ancien Testament, au statut discuté, qu'ils appellent " apocryphes ". Mais la divergence essentielle demeure autour de la question même de ce qu'est l'Eglise. Face aux " Romains " conduits par le pape, les héritiers de la Réforme s'éparpillent en milliers de " villages d'Astérix ", où la variété, les divisions, les caractères dessinent une histoire complexe. Puisque l'institution est secondaire, on peut la diviser, la quitter, en créer d'autres, tout en restant pleinement protestant. On trouve là l'explication des milliers d'Eglises, de dénominations, de missions et de sectes qui composent le kaléidoscope du protestantisme. Mais si ce dernier affiche aujourd'hui des couleurs vives, c'est aussi qu'il a su trouver des parades à l'éparpillement. Il s'est rapidement structuré en grands courants confessionnels. Au XVIe siècle, on distingue quatre sensibilités : le calvinisme, issu de la prédication du réformateur français Jean Calvin (1509-1564), le luthéranisme, fruit de la théologie de Martin Luther, l'anglicanisme (voie moyenne entre catholicisme et calvinisme), et la mouvance anabaptiste et radicale, qui refuse de lier l'Eglise à l'Etat. Ces quatre familles se retrouvent aujourd'hui. Elles ont bâti de vraies traditions, même si les protestants n'aiment pas le mot. Les grandes Eglises ont aussi développé depuis le XIXe siècle des logiques oecuméniques. Elles ont produit des unions, fédérations, et ont contribué à la mise en place de plate-formes comme l'Alliance évangélique universelle en 1846, puis le Conseil oecuménique des Eglises en 1948. En reliant les archipels confessionnels, ces réseaux permettent de conjurer le syndrome de l'île déserte auquel l'individualisme protestant risque de conduire. En France, la Fédération protestante de France regroupe 17 Eglises ou unions d'Eglises. Mais ces logiques de regroupement sont contrecarrées par de nouvelles créations d'Eglises. On observe aujourd'hui un équilibre instable entre, d'un côté, un protestantisme " établi " et, de l'autre, un protestantisme " évangélique ". Le premier, qui regroupe une majorité de luthériens et de calvinistes, valorise l'oecuménisme, les héritages et le dialogue avec le monde moderne, qu'il a contribué à faire naître. Acceptant le divorce et l'avortement, il est aussi très ouvert aux femmes, qui peuvent devenir pasteurs : c'est le cas de 84 d'entre elles au sein de l'Eglise réformée de France, la principale Eglise protestante française. Elément moteur de l'oecuménisme institutionnel, ce protestantisme " établi " reste un poumon du Conseil oecuménique des Eglises. Mais il est si bien installé dans la société qu'il risque de s'y diluer lentement. Quand le chanteur Renaud s'affiche avec sa croix huguenote (bijou protestant) tout en s'affirmant athée, il exprime en raccourci cette tendance. Elle a conduit le sociologue Jean-Paul Willaime à faire le diagnostic d'une " précarité protestante ". Le second, qui recrute au sein du baptisme (né au XVIIe siècle) et des courants de " réveils " qui secouent l'histoire protestante depuis le XVIIIe siècle, met plus l'accent sur l'évangélisation, la conversion et la confrontation des valeurs. Sa morale est conservatrice, proche de celle du magistère catholique sur les questions de l'avortement et de la bioéthique. Il offre des repères simples et structurants, valorise l'accueil de communautés chaleureuses et insiste sur le rebond offert par la conversion, présentée comme une " nouvelle naissance " (" born again "). Pour ces raisons, il a aujourd'hui le vent en poupe et représenterait au moins 200 millions d'individus. Mais si l'on ajoute les mouvements pentecôtistes, marqués par l'accent sur les miracles provoqués par le Saint-Esprit, on aboutit à des effectifs qui varient entre 400 et 500 millions de fidèles. Place à la " prospérité protestante " ? Ces succès sont fragiles. L'évangélisation parfois tapageuse que pratiquent ces protestants suscite des oppositions. Par ailleurs, leur discours militant peut se prêter à des dérives sectaires, que ce soit sur le mode du ghetto de " purs " ou du gourou autoritaire. Il faut pour finir poser la question des scénarios de sortie du protestantisme. Quand certains pasteurs pentecôtistes fondent leur prédication sur l'efficacité miraculeuse de leur charisme, qu'en est-il de la centralité de la Bible ? Aujourd'hui, Luther ou Calvin ne retrouveraient pas toujours leurs petits. D'autant plus que la géographie protestante a connu une révolution : à la fin du XVIe siècle, le protestant type était d'Europe du Nord. Trois siècles plus tard, c'est sous les traits du colosse puritain des Etats-Unis qu'on le retrouve. Mais il faut se rendre dans le sud de l'hémisphère pour dessiner le portrait-robot du protestant du XXIe siècle. Naîtra-t-il d'Afrique un nouveau Luther ? Il existe aujourd'hui en région parisienne quinze fois plus d'évangélistes et pentecôtistes afro-antillais que de pratiquants réformés européens. Le protestant de demain n'empruntera pas ses traits à George W. Bush, mais à une femme pauvre et basanée originaire d'une mégapole du Sud. © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 46 - 1067 mots Judaïsme La religion mal-aiméeFondateur du monothéisme, le judaïsme n'a que 14,5 millions d'adeptes, mais il structure la pensée occidentale. Cette religion de la loi, du rite et de l'étude est la mal-aimée de l'Occident. Elie Wiesel nous explique ce qui en fait pour lui la grandeur et l'humanité. Elie Wiesel Vous me demandez ce qu'est le judaïsme ? Le mot religion n'existe pas en hébreu. Nous disons la loi, la foi, l'étude. La foi juive est d'abord la foi en Dieu telle qu'elle est ancrée dans la Torah, mais elle est beaucoup plus que cela. Le judaïsme est l'ensemble des notions, des concepts, des commentaires, des interprétations, des lois qui sont rassemblés dans le Talmud, ce livre de la tradition orale, presque aussi important pour les juifs que la Torah. Le judaïsme est aussi l'ensemble des souvenirs et des espérances de toute une communauté. Le juif d'aujourd'hui, comme celui d'hier, se réclame de l'enseignement de Moïse, fondateur de la nation, législateur, commandant en chef de la première armée de libération nationale. Mais il se réclame aussi de David, ancêtre du Messie et des prophètes comme Isaïe et Jérémie. Etre juif, c'est assumer ce passé parfois lourd de menaces mais aussi illuminé par la promesse de l'arrivée du Messie : l'Histoire va quelque part pour s'améliorer, pour répandre la paix. Il peut y avoir beaucoup de violence dans la Bible, surtout dans le livre de Josué, qui raconte la conquête de la Terre promise. Mais il faut comprendre que cette violence marque le début de l'Histoire, qu'elle correspond à la violence de la naissance, quand l'enfant est arraché du ventre de sa mère. Le livre de Josué est le seul livre biblique dépourvu de poésie, car celle-ci ne peut exister quand les hommes meurent. Mais il est aussi le livre qui parle d'une paix nécessaire, indispensable à l'évolution de l'Histoire. Car le judaïsme est une religion qui donne un sens à l'Histoire : c'est celle qui a apporté au monde le messianisme, la promesse d'un avenir meilleur. Mais je veux insister sur une autre de ses caractéristiques : elle est, et plus que les autres monothéismes qu'elle a devancés, la religion qui met le plus l'accent sur la vie. Elle n'admet pas le culte des morts. Le cérémonial grandiose qui a entouré la mort de Jean-Paul II est pour nous impensable. Le judaïsme nous ancre dans la vie. En son nom, on a le droit de transgresser tous les commandements. Il y a ainsi 613 commandements dans la Torah, et seulement trois interdits qu'il ne faut pas transgresser et pour lesquels il faut payer de sa vie. L'idolâtrie, d'abord. Si l'ennemi dit " il faut que tu adores cette idole, sinon je te tue ", je dois me laisser tuer. L'adultère, ensuite. Il est prescrit que si quelqu'un me dit " couche avec cette femme mariée, sinon je te tue ", je dois me laisser tuer. Et enfin, le meurtre : si quelqu'un dit " tue, sinon je te tue ", il faut se laisser tuer. Ce sont les trois cas, extrêmes, où la vie est sacrifiée. Mais le Talmud rappelle que si, en certaines circonstances d'oppression exceptionnelles, le tortionnaire dit " noue tes lacets, sinon je te tue ", eh bien, là, il n'y a pas de raison de se laisser faire. Il faut riposter, et éventuellement se battre. On se choisit juif, tout simplement. Ancré dans la vie, le judaïsme se veut donc une manière de vivre, seul ou en communauté. C'est ainsi une célébration du dialogue, comme en témoigne le Talmud, qui est construit sur la communication entre deux adversaires, deux conceptions, deux attitudes, où les deux parties ont raison, même si ce sont toujours les modérés qui gagnent. Le judaïsme est en effet fondamentalement contre le fanatisme et la rigueur extrême. La beauté du Talmud est d'abord le respect de l'autre. Cela peut expliquer qu'il n'y ait pas eu de prosélytisme forcé chez les juifs. Un chrétien n'a pas besoin de se convertir au judaïsme pour mériter mon respect. Pareil pour les musulmans, pareil pour les agnostiques. J'accepte l'autre pour ce qu'il est. Je ne l'humilie pas en niant sa croyance. Dans le Talmud, d'ailleurs, l'humiliation n'est jamais justifiée. C'est aussi peut-être dans ce sens qu'il faut comprendre la notion de " peuple élu ". Le peuple juif a souvent été incompris car on lui imputait des mobiles qui ne sont pas les siens. Nous n'avons ainsi jamais tué d'autres dieux comme nous en ont longtemps accusés les chrétiens. Nous n'avons jamais voulu conquérir le monde, comme on nous l'a aussi imputé, accusation qui a joué un rôle dans la Shoah. Dieu a fait alliance avec Abraham et plus tard avec Moïse pour faire des Hébreux le " peuple élu ", mais cette élection ne signifie pas seulement recevoir des avantages. Cela signifie aussi des devoirs, et d'abord celui de respecter l'autre. Chaque peuple a le droit de se considérer élu à condition de respecter l'autre comme il veut qu'on le respecte. Si quelqu'un veut se convertir, il faut que ce soit par conviction. Une fois converti, il jouira de tous les privilèges et sera sujet à toutes les obligations des juifs, mais l'on n'aura pas le droit de lui rappeler son passé non juif. J'insiste là-dessus : seule compte l'attitude envers l'autre. Le peuple juif n'est pas supérieur ou inférieur aux autres. Cette religion n'est pas meilleure que les autres : on se choisit juif, tout simplement. Et la relation à Dieu ? La loi vient de Dieu mais son interprétation appartient aux hommes. Il est ainsi une anecdote fameuse : deux rabbis et leurs élèves discutaient, et Dieu voulut les départager en donnant son avis : " Pourquoi faites-vous cela, vous ne savez donc pas que rabbi Eliezer a raison ? " dit-il. Mais rabbi Yeoshoua, le chef de l'autre parti, répondit : " Tu n'as pas à te mêler de notre débat. La Torah est à nous ici et elle n'est plus à toi au ciel. " Cette capacité d'interprétation de la Loi explique aussi une autre caractéristique du judaïsme : la connaissance de la Loi et donc l'importance fondamentale de l'étude. Il n'y a aucune autre tradition religieuse où il y ait une telle passion et une telle énergie investies dans l'étude. En théorie, il faudrait étudier la Torah jour et nuit, d'où la place accordée à celui qui enseigne, le maître. Le mot rabbi veut dire instituteur, et non pas prêtre, mot qui implique la notion de sacrifice. La religion juive en effet n'a pas de clergé, il n'y a pas d'intercesseur entre le fidèle et Dieu. On peut naître, se faire circoncire, se marier, se faire enterrer sans rabbin. Seul le divorce exige un tribunal rabbinique, car il faut protéger la femme... Si le rabbin a de l'importance, c'est donc parce qu'il sait. Il ne se prononcera toutefois jamais en disant " moi, je pense comme cela ", mais il dira plutôt " si je pense comme cela, c'est parce que tel ou tel maître s'est prononcé ainsi sur ce sujet ". Il est le récipiendaire de la tradition... Repères Chronologie - 1900 Abraham s'établit à Hébron. - 1200 Moïse conduit les Hébreux vers la Terre promise. - 1004 David établit sa capitale à Jérusalem. - 587 Déportation de milliers d'Hébreux à Babylone. - 538 Fin de l'exil. - 532 Reconstruction du temple. - 63 Début de la domination romaine. 70 Destruction du temple. 400 Talmud de Babylone. 1492 Expulsion des juifs d'Espagne. 1939-1945 La Shoah, campagne d'exterminationdes juifs menée par les nazis. 1948 Création de l'Etat d'Israël. Les obligations du croyant L'étude de la Torah, la loi divine, est le fondement du judaïsme. La bénédiction accompagne presque tous les actes d'un pratiquant. La prière est très codifiée. Faite en commun à la synagogue, elle exige la présence d'au moins dix hommes , âgés de plus de 13 ans. Les fidèles couverts d'une petite calotte, la kippa, se couvrent les épaules du tallit, châle orné de franges. Ils portent sur le front et au bras gauche des phylactères, cubes de cuir noir contenant quatre versets de la Torah. Les commandements La Torah comporte 613 mitzvoth ou commandements. Parmi eux, le sabbat, (le repos du samedi), la circoncision des garçons, la kashrout (les interdits alimentaires). Les fêtes Nombreuses. Entre autres, Roch ha-Chana (septembre ou octobre), nouvel an juif ; Yom Kippour (octobre), le grand pardon ; Hanoukka (novembre-décembre), la fête des lumières ; Pessah (mars-avril), la pâque juive. Les courants Le courant orthodoxe, très puissant aujourd'hui en Israël. Fondé sur la stricte observance des mitzvoth, au contraire du courant libéral, très développé aux Etats-Unis et au Canada, qui entend conjuguer modernité et judaïsme. Originaire d'Europe de l'Est, le hassidisme est centré sur l'émotion et la mystique. © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 48 - 1376 mots Islam Un dieu, une loi, un prophèteTroisième religion issue de la Bible, forte de plus de 1,2 milliard d'adeptes, l'islam fait peur pour la violence de ses intégristes. Mais une minorité agissante ne peut faire oublier que l'islam est aussi paix, respect de l'autre et humanisme. Malek Chebel On demanda un jour au prophète Mahomet quel était le bon islam. " C'est, répondit-il, une religion fondée sur cinq piliers : la profession de foi, la prière, l'aumône, le jeûne annuel et le pèlerinage. " Son entourage insista : " Si nous nous acquittons de toutes ces règles, irons-nous au paradis ? " Le Prophète répondit en images : " La foi consiste à faire des choses que ni la main ni la langue ne regrettent plus tard. " Et il ajouta aussitôt : " Nul n'est vraiment musulman s'il ne désire pour son prochain ce qu'il désire pour lui-même. " Rapportées par le théologien El-Bokhari (IXe siècle), ces citations résument les trois principaux versants de l'islam, troisième religion révélée après le judaïsme et le christianisme : aimer Allah d'un amour sincère, en respecter le culte, aimer son prochain, etc. Le premier critère de l'islam s'avère donc être l'adoration du Créateur dans un esprit de fraternité et de tolérance, ce que résume la profession de foi (chahada), article premier du dogme : " Je témoigne qu'il n'y a de Dieu que Dieu et je témoigne que Mahomet est son Prophète. " Selon certains théologiens, ce témoignage peut contenir toute la religion, pour autant qu'il demeure sincère et que son application concrète soit visible. " Sveltesse métaphysique ", dira Louis Massignon, l'islamologue français du XXe siècle qui consacra sa vie à étudier cet islam absolu, presque obsessionnel, qui offre le flanc à tant de lectures différentes. Tout cet édifice est fondé sur un livre appelé Coran, livre sacré s'il en est, du mot arabe cor'ân, qui veut dire lecture ou récitation. Il est composé de 114 chapitres et de 6 219 versets. Le nom Allah y est rappelé dans plusieurs centaines d'occurrences. Aux yeux des musulmans, le Coran symbolise la " parole de Dieu " et représente la Constitution inviolable de plusieurs centaines de millions d'êtres humains. Dans son habituel phrasé, une poésie vigoureuse, le Coran dit : " Dieu est Un. Il est l'Impénétrable. Il n'engendre pas et (Il) n'est pas engendré " (Coran, sourate CXII). Un autre article est également central, celui d'une religion agissant au milieu, une religion modérée. De nombreux versets l'ayant rappelé et affirmé sans ambiguïté. A cet égard, point de faux-semblants ni de vaine ostentation, car, si le croyant ne sent aucune flamme intérieure pour la prière ou pour le jeûne, Dieu est prompt à le lui rappeler. " Dieu sait ce que renferment les coeurs ", lit-on souvent dans les sourates. L'islam est par ailleurs une libre acceptation des règles établies, partage et communion dans un cas, adhésion consciente et assumée dans l'autre cas. Dogme et responsabilité, enfin, car aucun geste n'est isolé de sa signification globale. Le mot islam lui-même, que l'on traduit habituellement par soumission, signifie au plus près " soumission à la volonté du Seigneur ". Mais qui est le Prophète ? Mahomet est né à La Mecque vers 570 après Jésus-Christ. Il est mort en juin 632. Au contact du plateau central de l'Arabie, le Hedjaz rugueux, Mahomet (littéralement " Celui qui est digne de louanges ", " le Loué ") est un homme prudent et ascétique, de conviction et d'engagement. Dans sa " Vitae prophitaem" (sira), on le découvre sous les traits d'un personnage timide qui cumule méditation et spiritualité. Son enfance nous est peu connue, mais lorsqu'il deviendra, vers 610, le messager de Dieu, il accède à une vie publique extrêmement intense. Il devient le parangon de l'homme accompli qui se transcende tous les jours, l'organisateur pugnace de la Cité-Etat de Médine, chef de guerre et humaniste anti-esclavagiste qui ose affranchir les petites gens en servitude. A 40 ans, celui qui aimait les femmes, la prière et le parfum est un homme riche, au statut social enviable. Pour quitter la fatuité du monde matériel, il médite dans une grotte. C'est au cours de l'une de ces khilwa, retraite spirituelle, qu'il reçoit pour la première fois la visite d'un ange, Gabriel, qui lui demande de lire. " Mais que dois-je lire ? " rétorque Mahomet l'illettré. L'Archange lui demande de répéter après lui : " Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé ! Lis... Car ton Seigneur est le Très-Généreux. Il a instruit l'Homme au moyen d'une plume de roseau et lui a enseigné ce qu'il ne savait point... " (XCVI). C'est le premier verset du Coran, qui lui sera désormais révélé pendant vingt-deux années de suite, entre 610 et 632. Khadidja, sa femme, a tout de suite cru en lui, devenant ainsi la première musulmane de l'Histoire. Le recrutement était cependant difficile. En effet, ayant flairé le danger, la puissante tribu des Qoreichites cherche à le réduire au silence. L'histoire de Mahomet se confond désormais avec l'islam. Il fuit La Mecque et se réfugie à Médine, inaugurant l'ère islamique ou hégire, dont le calendrier débute en septembre 622. C'est là que le jeûne légal est codifié, ainsi que l'orientation canonique (qibla) vers laquelle s'orientent les musulmans au cours de leurs prières. L'importance du message prophétique tient à l'acharnement avec lequel le Prophète a combattu le polythéisme des Bédouins. A sa mort, toute l'Arabie est islamisée, hormis quelques tribus récalcitrantes. Le dogme étant fixé (certains aspects comme les interdits alimentaires ou le pèlerinage à la Kaaba sont une reprise de pratiques anciennes), il ne restait plus qu'à porter le " message " prophétique (rissala) aux quatre coins du monde. C'est le début de l'expansion islamique (628). Celle-ci est consolidée en Syrie par Muawiyya et en Egypte par Ibn al-As. Mais ce sont les victoires en Perse et au Maghreb qui donneront un caractère régional et finalement international à l'islam. Telle est donc cette religion : une synthèse équilibrée entre une aspiration divine et une pratique quotidienne, la foi d'un côté, le dogme de l'autre. Le côté spectaculaire s'exprime autant dans une institution devenue familière, la mosquée, notamment le vendredi, que lors du pèlerinage annuel à La Mecque. Complexité d'un côté, simplicité de l'autre, puisque les musulmans éprouvent de grandes difficultés à séparer tous ces niveaux, le politique du religieux, le sociétal de l'individuel, la pensée de l'action. Quatorze siècles après sa naissance, l'islam est une religion redoutée et haïe par une partie de l'Occident. Comme par anticipation, " La chanson de Roland " se fait l'écho, au Xe siècle, d'une frayeur obsessionnelle qui ne s'est jamais vraiment résorbée : " Immenses sont les armées de cette race détestée ", appréciation qui inspire encore certains extrémistes. Aujourd'hui, tant par sa doctrine apaisante et structurée que par le nombre de ses adeptes, l'islam est devenu planétaire. Mais de nombreux défis l'attendent. Car, si sa spiritualité, appelée soufisme, attire de nombreux adeptes, un air de réforme souffle déjà sur l'empire du Croissant. L'avenir nous dira si la troisième religion du Livre est en mesure d'investir des champs encore verts comme ceux de la modernité, de la démocratie ou de l'égalité des sexes, car ici comme ailleurs la condition de la femme est le meilleur indice du progrès. Repères Chronologie 570 Naissance de Mahomet. 610 Début de la révélation du Coran. 622 Début de l'ère islamique. 644-656 Etablissement du texte officiel du Coran. 659 Scission de l'islam en trois branches : sunnite, chiite, kharidjite. 874 Occultation du 12e imam. 900 Développement du soufisme. 1095 Première croisade. Refermement progressif de la pensée musulmane. Statistiques 1,2 milliard de musulmans, soit 20 % de la population mondiale. Les pays où ils sont le plus nombreux : l'Indonésie (175 millions), le Pakistan (142 millions), le Bangladesh et l'Inde (110 millions chacun). Les Arabes ne représentent que 20% des musulmans. Les courants Le sunnisme. Près de 90% des musulmans. Ses adeptes reconnaissent la légitimité des quatre premiers califes et adhèrent à l'une des quatre traditions juridiques, le hanafisme, le malikisme, le chafiisme ou le hanbalisme. Le kharidjisme. Le plus ancien des mouvements sectaires, 1% environ des musulmans. Le chiisme. Environ 10 % des musulmans. Très implanté en Iran et en Irak. Ses adeptes reconnaissent l'autorité d'un imam, descendant d'Ali, gendre de Mahomet. Les ismaéliens (2 millions) relèvent du chiisme. Le soufisme est le courant mystique de l'islam. La mosquée Lieu sacré orienté vers La Mecque, elle n'est accessible qu'aux personnes se trouvant en état de pureté rituelle. © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 50 - 1337 mots Hindouisme La religion aux mille dieuxTroisième religion du monde avec près de 830 millions d'adeptes, l'hindouisme est moins une doctrine qu'une conception de l'organisation du monde fondée sur le caractère cyclique de l'univers. C'est aussi un polythéisme très complexe. Jean-Claude Carrière L'hindouisme est la religion actuelle des hindous, terme qui s'est appliqué, après les invasions musulmanes, aux peuples du delta de l'Indus, puis de la péninsule indienne tout entière. Il a fait suite à la religion indienne ancienne, le brahmanisme. Celle-ci connut un déclin lorsque le bouddhisme, au IIIe siècle avant notre ère,devint une sorte de religion officielle. Plus tard, lorsque le bouddhisme s'éloigna de l'Inde, le brahmanisme revint en force et devint l'hindouisme d'aujourd'hui. L'hindouisme est un polythéisme. Il perçoit le monde comme multiple, du moins au premier regard, et accepte un très grand nombre de divinités (on en compte plus de 36 000, avec des aventures mythologiques innombrables), correspondant aux forces et aux mystères divers qu'on rencontre dans la nature et en nous-mêmes. Cependant, cette multiplicité parfois chaotique s'organise autour de trois grands dieux, Brahma, Vishnou et Shiva. Brahma est le principe créateur. Il est très rarement représenté et peu de temples lui sont consacrés. Lorsque les mondes sont anéantis, comme le veut la tradition de l'Inde, où le temps est cyclique, Brahma dort dans le ventre de Vishnou. Quand vient le moment de recréer le monde, il surgit tout à coup, sur une feuille de lotus, et recrée toutes choses en un instant. Vishnou est celui qui tient le monde dans sa forme. Il est la cohésion. Il se présente toujours avec un disque solaire appelé chakra, qui évoque le mouvement du monde et la force de la pensée, une conque marine, une massue et une fleur de lotus. Vishnou est l'épine dorsale du monde, la raison d'être des choses. Il cache dans ses replis l'embryon d'or sans lequel le monde ne serait pas. Quand les choses vont très mal et que la vie est menacée, il descend (c'est le sens du mot " avatara ") sous une forme terrestre, tortue, sanglier, homme à tête de lion. Les deux derniers avatara connus, le septième et le huitième, sont les très célèbres Rama et Krishna, héros des deux épopées indiennes, le " Ramayana " et le " Mahabharata ". Le prochain avatara s'appellera Kalki. Il sera monté sur un cheval blanc, c'est tout ce que nous savons de lui. Il viendra à la fin de l'époque que nous traversons, qui est le Kaliyuga, le temps noir de la destruction. Kalki rétablira la justice et l'ordre du monde. Shiva est le troisième grand dieu de l'hindouisme, et sans doute le plus complexe. Il est en principe le destructeur, qui porte la mort inévitable de tous les êtres. Mais il apparaît souvent comme une mort souriante, dansante, presque séduisante. Contrairement à Vishnou, il est constamment en activité. Au rythme de sa danse incessante, il assiste à chaque création. Ses partisans disent même qu'il est le créateur véritable et qu'il va détruisant ce qui est né de lui. Il est ainsi le commencement et la fin. Ce danseur infatigable peut être aussi, par moments, un ascète qui se retire pour de longues retraites sur le mont Kailash. Malgré cet ascétisme rigoureux, il est partout évoqué sous la forme d'un phallus dressé, souvent noir, un lingam, en relation visible avec un yoni, un sexe féminin. Les références mythologiques qui entourent Shiva sont sinueuses et déroutantes. Il nous détruit mais avec tendresse. Il a plus de noms que Vishnou. Il porte dans sa chevelure l'image de la lune. Dans ces mêmes cheveux s'est arrêtée (il est donc aussi un sauveur) la chute du Gange, qui menaçait d'engloutir la Terre. Un cobra vivant s'enroule autour de son cou. Il tient dans une main le tambour de la création et dans l'autre le feu de la destruction. Il est Kala, le Temps qui emporte et anéantit, mais auquel il survit en dansant. Il est la part dangereuse et visionnaire de l'être humain, l'impossible synthèse de tout ce que nous sommes ; il est Ishana, l'absolu, le maître des maîtres. A côté des trois grands dieux - Vishnou et Shiva se partagent les fidèles et les temples, ceux de Shiva étant nettement plus bruyants -, il faut citer l'étrange Kali, la déesse qu'on n'approche qu'en tremblant. Son nom signifie " la Noire ", elle tire une longue langue et porte un collier de crânes autour de son cou. Sa forme est perpétuellement changeante, ce qui renforce la terreur qu'elle inspire. Elle touche à notre peur fondamentale. Trois autres divinités féminines, celles-ci bienfaisantes, sont attachées aux trois grands dieux, Sarasvati à Brahma, Lakshmi à Vishnou et Parvati à Shiva. Enfin, parmi les personnages très populaires de la tradition hindouiste, impossible de passer sous silence Hanuman, le roi des singes, grande et belle figure du " Ramayana ", et Ganesha, le dieu à tête d'éléphant, ami des artistes et des commerçants, " celui qui efface les querelles ", dont l'image est présente dans tous les foyers indiens. La croyance fondamentale de l'hindouisme se rapporte au Samsara, au cycle nécessaire des renaissances successives que tous doivent parcourir avant de parvenir au nirvana, la libération suprême dans l'extinction. Ce cycle dépend de notre karma, qui est le poids de nos actes, lequel nous fait renaître dans tel ou tel niveau de vie et risque de prolonger, sous des formes souvent pénibles et humiliantes, notre cycle d'existences. Autre notion centrale, le dharma, qui est à la fois l'ordre du monde et l'obligation qu'ont tous les hommes de respecter leur dharma personnel, de rester dans la varna (la catégorie sociale, improprement traduite par " caste ") où ils sont nés et de suivre une voie droite. Du respect du dharma personnel dépend le maintien de l'ordre cosmique. L'Inde établit ainsi une solidarité - originale et très forte - entre l'individuel et le cosmique. Une phrase souvent citée affirme : " Le dharma, quand il est protégé, protège. Quand il est détruit, détruit. " L'hindouisme proclame ainsi l'identité entre l'atman, qu'on peut appeler le soi individuel, et le brahman, qui est l'absolu universel. Même si les croyances ont souvent divergé, au point de faire naître une multitude de sectes, les grands principes sont toujours maintenus. L'essentiel est de parvenir à la délivrance (moksha), qu'on peut atteindre par des voies spéculatives ou mystiques. Le culte qui se pratique à domicile et dans les temples est très simple. Il consiste, au cours d'une cérémonie appelée puja, à offrir à la divinité choisie des fleurs, des fruits, des boissons ou de l'argent. Ces offrandes s'accompagnent de prières. A l'occasion de certaines fêtes, on organise des danses et des défilés de statues en musique. L'Inde est ainsi le pays des grands pèlerinages, qui peuvent réunir des foules immenses. L'hindouisme est la dernière des grandes religions polythéistes, avec près de 830 millions d'adeptes. Si elle reste spécifiquement indienne, elle peut attirer des étrangers et même des Occidentaux séduits par une autre approche de nos liens avec l'univers, par une tradition spirituelle toujours vivace dans les ashrams, ces monastères qui regroupent les disciples autour d'un maître spirituel, le gourou. Certains d'entre eux, si on les distingue des charlatans, jouissent d'un rayonnement indiscutable. Repères Chronologie - 2700 Le védisme s'étend en Inde. - 900 Guerre mythique du Mahabharata. - 800 Première version du " Ramayana ". - 566 Naissance de Bouddha. - 550 Composition des " Upanishad ". Entre - 300 et + 300 Elaboration de l'épopée du " Mahabharata ", dont un épisode est la " Bhagavad-Gita ". Ve siècle Affermissement du culte de Vishnou et de Shiva. 685 Les Arabes prennent Kaboul. 743 L'hindouisme réussit sa contre-réforme contre le bouddhisme en Inde. Xe siècle Apparition du tantrisme. 1858 Les Britanniques dominent l'Inde. XXe siècle Néohindouisme. Statistiques 828 millions d'adeptes, soit 13 % environ de la population mondiale, essentiellement en Inde. Livres sacrés Les " Veda ". Pour les Veda, Dieu existe en chaque être vivant. Complétés par les 108 " Upanishad ", textes philosophiques qui comprennent les " Vedanta ". Le " Ramayana " (48 000 vers) et le " Mahabharata " (200 000 vers) sont des épopées où la culture indienne puise ses grands thèmes. Les castes La société est organisée selon l'équilibre du dharma, le devoir, qui permet l'harmonisation des rapports entre les hommes. Les brahmanes sont les prêtres, les " kshatriya ", les guerriers, les " vaishya ", les commerçants. Au bas de l'échelle se trouvent les " dalit ", les intou-chables. A l'origine, l'hindou ne naît pas dans une caste. La règle s'est resserrée au profit des castes dirigeantes. L'Inde les a abolies officiellement en 1949. Les fêtes Les plus importantes sont Dashera, victoire du bien sur le mal (octobre-novembre), Holi, qui célèbre le printemps, et Dipavali, la fête de la lumière (pleine lune d'automne). Les courants Le vishnouisme (70 % des hindous, culte de Vishnou), le shivaïsme (25 %, culte de Shiva), le shaktisme ou tantrisme (4 %, culte de l'épouse de Shiva, Shakti). © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 52 - 1417 mots Bouddhisme Une philosophie de la vieReligion de la tolérance et de la compassion ? Le bouddhisme est plus une philosophie de la vie qu'une religion. Des spiritualités asiatiques elle est celle qui séduit le plus les Occidentaux, comme l'explique Jacques Lacarrière. Propos recueillis par Catherine Golliau Comment peut-on définir le bouddhisme ? Jacques Lacarrière : Il est plus une philosophie qu'une religion. Certes, il a ses rituels, ses temples et même ses monastères, mais il ne repose pas sur un credo, des textes tenus pour révélés, des croyances et des interventions providentielles, mais sur la connaissance et l'accomplissement de soi-même. Il n'a ni Eden, ni péché originel, ni Jugement dernier, mais huit chemins enseignés par Bouddha lui-même, pour accéder à ce que l'on nomme l'éveil. N'oublions pas que le terme Bouddha signifie l'Eveillé. Le Bouddha n'est donc pas une divinité ? C'était un prince de la lignée des Shakyamuni qui vécut au Ve siècle avant J.-C. Un prince élevé dans le luxe qui eut un jour le désir de connaître le monde réel. Et là, en se promenant dans les rues de sa ville, il rencontra successivement un homme malade, un mendiant et un cadavre qu'on menait à la crémation. Il décida alors de mener une vie d'ascèse et d'errance jusqu'au jour où il choisit un arbre au feuillage protecteur et demeura à son pied jusqu'à ce qu'il accède à l'éveil. Cet arbre - appelé depuis l'Arbre de l'illumination -, on peut toujours le voir à Bodh-Gaya, en Inde. C'est de là que, devenu Bouddha, il partit pour enseigner et faire partager son expérience libératrice. Comment résumer le contenu de cet enseignement ? A l'inverse des trois grandes religions monothéistes, dont chacune repose sur un credo et une vision mythique de l'au-delà, le bouddhisme est basé sur l'éveil et même le réveil de soi. Se réveiller pour se libérer des souffrances qui sont le lot de toute vie humaine et leur échapper à jamais. Souffrance-compassion-éveil : on pourrait résumer ainsi très schématiquement le cheminement et la finalité bouddhistes. Il ne se résume pas, comme on le croit généralement, à enseigner que le monde est impermanent, que tout change perpétuellement, sinon il ne serait qu'une suite de lapalissades. Accéder à l'éveil, c'est en prendre une conscience totale, en son être corporel et son être mental - entre autres par une pratique régulière et maîtrisée de la méditation -, et aussi savoir que nous ne sommes pas seuls au monde : le collectif est un rempart contre le sommeil du corps et de l'âme, d'où l'importance des moines dans l'histoire du bouddhisme. Le Bouddha a enseigné de façon précise, dans ce qu'on nomme les Octuples Voies, les huit chemins permettant de se libérer de la souffrance. Mais pour moi le plus essentiel et surtout le plus révélateur, c'est l'importance donnée à la compassion, que l'on peut définir comme la voie et la nécessité d'une entraide mutuelle et constante entre " impermanents ". L'homme est-il libre de choisir sa voie ? Dans le bouddhisme, nous sommes totalement face à nous-mêmes, aux autres et à tous les aléas de la vie courante. Il n'y a, je le répète, aucune présence, aucune providence, aucune intervention d'entités divines ou diaboliques. La vie, l'univers sont constitués et animés par des énergies qu'on peut bien sûr personnaliser - comme les physiciens personnalisent les particules matérielles, mais qui sont fondamentalement impersonnelles. Ces forces - dont beaucoup nous traversent - ont sur nous des effets négatifs ou positifs. Comme nos propres actes. L'idée de péché n'existe pas dans le bouddhisme, mais celle d'actes négatifs ou positifs. D'ailleurs, il n'y a pas besoin d'être bouddhiste pour se dire qu'un assassinat, quel que soit son contexte, ne peut être qu'un acte négatif ! Le bouddhisme, pourtant, croit à la réincarnation de l'âme. L'homme renaît prince ou grenouille selon les actes commis lors d'une vie antérieure. La responsabilité existe donc, non ? En ce qui me concerne, je ne considère pas la réincarnation comme un dogme, mais comme une incitation à assumer jusqu'au bout notre condition d'être en devenir. Si j'ai pris refuge en 1987 dans le bouddhisme - prendre refuge est l'expression rituelle pour dire qu'on s'adjoint à la communauté bouddhique, de quelque voie qu'elle se réclame - , ce n'est certainement pas par crainte de me réincarner en grenouille. Je n'émets évidemment ici qu'un point de vue personnel, mais celui-ci ne fait pas de moi un hérétique : l'hérésie n'existe pas dans le bouddhisme. Il y a seulement des voies d'accès différentes à ce qu'on nomme le nirvana, c'est-à-dire l'extinction de toutes les sources de souffrance et voies de réincarnation. Une fois encore, ce sont nos actes qui nous définissent et nous jugent, pas nos croyances. Nous ne sommes pas nés pécheurs ou réprouvés, nous sommes nés libres et responsables. Mais aussi individualistes ? Non pas. Le bouddhisme est certainement la meilleure école pour atténuer, voire supprimer, en nous le " je " et développer le " nous ". Il est l'exact opposé des valeurs ou prétendues valeurs prônées dans le monde d'aujourd'hui : l'affirmation de soi, la promotion sociale, l'hypertrophie du moi. Encore une fois, c'est le " nous " seul qui compte. D'où l'importance du monachisme, des oeuvres et méditations collectives. Cela explique aussi que, dès son origine, le bouddhisme a enseigné l'égalité totale des êtres dès leur naissance. C'est là une de ses grandes révolutions. N'oublions pas que le Bouddha est né en Inde, le pays des castes, ce qui explique l'opposition et le refus qu'il engendra d'emblée. Bouddha accueillait toutes les castes parmi ses disciples, y compris les femmes, qui ont joué un grand rôle dans son histoire. En quoi consistent les rituels bouddhistes ? Ils sont de plusieurs sortes et de plusieurs niveaux. Il y a des " pujas " qui sont des rituels d'offrandes, de beurre de yack au Tibet, ici de gâteaux, de céréales et de fleurs. Il y a aussi les " mantras " qu'on nomme généralement prières, mais qui sont plutôt des récitations psalmodiées ou chantées et, enfin, selon les passages de maîtres lamas venus d'Inde, des enseignements initiatiques ainsi que, pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin, des retraites de plusieurs semaines ou même de trois ans. Les mantras, dont certains concernent les forces latentes ou vives de l'univers et proviennent de textes tibétains centenaires, m'ont souvent fait penser aux hymnes grecs orphiques que j'ai traduits, il y a quelques années, dédiés eux aussi aux forces vives de l'univers. N'oublions jamais que le Bouddha est né, d'une certaine façon, sous un arbre et que cet arbre, loin d'abriter en ses branches une pomme traîtresse et fatale, gardait comme un tison secret la flamme de l'Illumination ! Des doctrines et des religions asiatiques le bouddhisme est-il le plus facile à appréhender pour un Occidental ? Le bouddhisme propose une vision du monde qui rejoint ou approche celle de certains philosophes occidentaux, comme Nietzsche, et qui est confortée par les découvertes de la physique et de l'astrophysique, notamment quant à l'impermanence. Qu'y a-t-il, en effet, de plus impermanent qu'un quark, cette particule dont la durée de vie est de l'ordre du millionième de seconde ? Jamais le bouddhisme n'aurait pu avoir avec les savants les querelles de l'Eglise romaine, car ce que la science nous propose, le bouddhisme l'a pressenti et même ressenti depuis longtemps. D'ailleurs, cette impermanence, le maître Kalou Rinpoché en jouait avec virtuosité. Un jour qu'on lui demandait des précisions à son sujet, il répondit : " Bien sûr, l'impermanence est la loi de ce monde. Mais elle a aussi ses lois et ses caprices. Si vous traversez une avenue et qu'un autobus vous arrive dessus, il est impermanent, et vous l'êtes aussi, mais essayez quand même de l'éviter. " L'humour est le premier ferment des philosophies orientales. Comme le sourire est celui du visage lumineux du Bouddha. Repères Chronologie Vers - 566 Naissance en Inde de Siddharta Gautama. Vers - 480 Mort de Bouddha. Vers - 477 Premières communautés bouddhiques recensées. - 377 Rupture entre hinayana et mahayana. - 269-232 Apogée du bouddhisme en Inde. Ier siècle Développement, en Asie du Nord, du Mahayana, le " Grand véhicule ". VIIe siècle Apparition du Vajrayana, le bouddhisme tantrique. IXe Renaissance de l'hindouisme en Inde aux dépens du bouddhisme. Statistiques 364 millions, soit 6 % de la population mondiale, principalement en Asie (plus de 320 millions). Les rites Les bouddhistes se réunissent pour réciter des textes sacrés, prier, apporter une offrande et vénérer les statues. Lumbini, lieu de naissance de Bouddha, Bodh-Gaya, le lieu de son Eveil, Sarnath, celui de son premier sermon, et Kushinagara, le lieu de son décès, sont en Inde des sites sacrés. Les " stupa " sont des monuments funéraires commémoratifs, les pagodes, des lieux de culte édifiés pour la vénération des reliques. Les courants Le hinayana, ou " Petit véhicule ", se veut le plus proche de l'enseignement de Bouddha. Il s'attache à l'obtention individuelle de la perfection par la dissolution de l'illusion du moi. Ses textes de référence sont le " Tripitaka " (" trois corbeilles "). Il est présent en Asie du Sud-Est, du Skri Lanka à la Thaïlande... Le mahayana, ou " Grand véhicule " : né d'un schisme du " Petit véhicule ", il développe le concept du vide absolu, le " sunyata ". Parallèlement, il approfondit la notion de compassion et exalte la personnalité du " bodhisattva ". Arrivé à l'état de bouddha, celui-ci y renonce pour aider les autres à trouver la voie de l'Eveil. Il s'est implanté dans toute l'Asie du Nord. L'une de ses branches est le zen (Japon) ou chan (Chine), exclusivement orienté vers la méditation. Le vajrayana. Apparu au VIIe siècle, est présent au Tibet et en Mongolie. C'est un dérivé radical du " Grand véhicule " qui associe à la méditation une pratique ritualiste et magique, codifiée dans les " Tantra ", d'où son nom de bouddhisme tantrique. © le point 21/07/05 - N°1714 - Page 54 - 1556 mots Jésus Sa vraie vieL'archéologie des sites évangéliques de la Palestine permet de reconstituer la vie de prédicateur et d'" agitateur " du Christ. Les Evangiles, pourtant contradictoires, restent une source incontournable pour les historiens Laurent Theis et Hervé Ponchelet "Si l'on s'astreignait, en écrivant la vie de Jésus, à n'avancer que des choses certaines, il faudrait se borner à quelques lignes. " Cette constatation d'Ernest Renan, en tête d'une des très nombreuses rééditions de sa " Vie de Jésus ", conserve toute sa pertinence. Les faits et gestes avérés appartenant en propre à celui que, du haut de sa chaire du Collège de France et déchaînant le scandale, il avait désigné comme un " homme admirable " le 22 février 1862 paraissent même diminuer en nombre. Aussi, lorsque le moindre soupçon de preuve, épigraphique ou archéologique, de la réalité humaine et historique du Christ est avancé, il fait couler des torrents d'encre et des flots de commentaires. Ce fut le cas en octobre 2002, lorsque la Biblical Archeology Review publia l'interprétation, par l'épigraphiste français André Lemaire, de l'inscription en araméen gravée sur un ossuaire du Ier siècle découvert près de Jérusalem. Pour ce savant de l'Ecole pratique des hautes études, la phrase " Ya'akov, bar Yosef, Akhui di-Yeshua ", c'est-à-dire " Jacques, fils de Joseph, frère de Jésus ", désigne, avec une forte probabilité, Jacques le Juste, lapidé en l'an 62. Partant, ce Joseph serait donc l'époux de Marie et ce Jésus, le Christ ! Quant à la mention du Christ, connue sous le nom de testimonium flavianum, faite par Flavius Josèphe (37-100 après Jésus-Christ), ancien général de la résistance juive passé aux Romains, dans ses " Antiquités juives ", elle pourrait n'être qu'un ajout tardif et peut-être d'une autre main. Et puis, il y a la polémique, jamais close malgré le test au carbone 14 qui le date du Moyen Age, sur l'authenticité du fameux suaire de Turin. Une relique que Rome a toujours traitée avec déférence et... circonspection (voir l'article de Frédéric Lewino). Rareté des certitudes matérielles, multiplication des interrogations et des interprétations, tel est l'état des études relatives à la réalité historique du prédicateur galiléen, ce qui n'empêche pas, pour comprendre ce qu'a pu être sa vie, de marcher dans les pas du Christ, de vestiges historiques en fouilles archéologiques concernant le Ier siècle de notre ère (voir l'article d'Ugo Rankl). Reste que le Nouveau Testament - et particulièrement les Evangiles, ce qui en grec veut dire " heureuse nouvelle " - est à la fois la source quasi unique sur la personne et l'activité de Jésus en son temps et le fondement de la révélation sur quoi repose la foi chrétienne. Soumettre les unes à l'examen critique conduit inévitablement à mettre l'autre en question. Or les Evangiles diffèrent entre eux, se contredisent et portent la marque de remaniements. Si la vérité n'est pas dans les faits, comment le serait-elle dans l'esprit ? La difficulté n'est pas nouvelle. Elle n'avait pas échappé aux premiers chrétiens eux-mêmes, au point que le prêtre Tatien, au IIe siècle, crut trouver la solution en fabriquant un évangile unique à partir des quatre premiers... - Chronologie - 103 : La Galilée est intégrée au royaume juif des Asmonéens. - 63 : Le général romain Pompée entre en vainqueur à Jérusalem. - 37 : Hérode Antipater, dit le Grand, protégé des Romains, devient roi des Juifs. Entre - 6 et - 4 : Naissance de Jésus, fils aîné du Galiléen Joseph de Nazareth et de Marie. Quatre frères et au moins deux soeurs suivront. Année - 4 : Mort d'Hérode le Grand, reconstructeur du Temple. Ses fils Archélaos et Hérode Antipas gouvernent respectivement la Judée et la Galilée. An 6 : Archélaos est destitué. Un préfet romain administre directement la Judée. Recensement sur ordre du gouverneur de Syrie Quirinus. An 6 à an 10 : Révolte armée antiromaine et messianique de Judas le Galiléen. An 6 à an 15 : Anne, grand prêtre à Jérusalem. An 18 : Hérode Antipas fonde, au bord du lac de Galilée, la cité de Tibériade en l'honneur de l'empereur Tibère. Caïphe, gendre d'Anne, nommé grand prêtre. An 26Pontius Pilatus (Ponce Pilate) devient préfet de Judée. Années 27-28 : Prédication et mort de Jean le Baptiste. Début du ministère de Jésus. Début avril 30 : Jésus et ses compagnons viennent à Jérusalem célébrer la fête de Pessah. Jeudi 6, vendredi 7 avril 30 : Arrestation, condamnation et exécution de Jésus - Laurent Theis © le point 18/04/03 - N°1596 - Page 67 - 764 mots Paroles d'Evangiles... Les Evangiles ne sont pas des récits historiques... mais les historiens doivent s'en contenter. Laurent Theis Tant que la foi chrétienne ne fut pas constituée en dogme, l'authenticité de la tradition christologique ne posa pas de problème insurmontable. Mais lorsque fut érigée en vérité absolue et intangible, à Nicée, en 325, la divinité de Jésus, lorsque, un siècle plus tard, le Nouveau Testament, établi dans sa forme définitive, fut consacré comme seule véritable expression de la parole divine, alors sa lecture critique fut assimilée au sacrilège. En 1689 encore, l'oratorien Richard Simon, dont l'attachement à l'Eglise catholique ne fait aucun doute, subissait les foudres de Bossuet pour avoir publié une " Histoire critique des textes du Nouveau Testament ". En fait, concevoir une histoire de la vie de Jésus pour laquelle le Nouveau Testament ne serait pas considéré a priori comme parole d'évangile nécessitait une laïcisation du savoir en même temps qu'une méthode scientifique constituée. Ce fut l'oeuvre du XIXe siècle, avec principalement l'Allemand David-Friedrich Strauss, auteur en 1835 de " La vie de Jésus élaborée de façon critique ", puis " La vie de Jésus " de Renan. Le théologien luthéro-hégélien et l'ancien séminariste savaient de quoi ils parlaient. Les difficultés qu'ils soulevèrent, avec les moyens dont ils disposaient, restent aujourd'hui les mêmes. D'abord, aucun document autre que le Nouveau Testament, dont l'intention n'est nullement historique et biographique à la manière de Thucydide ou de Tacite, n'apporte d'informations substantielles sur la vie de Jésus, ce qui empêche les recoupements et vérifications nécessaires pour établir la matérialité des faits. Par exemple, Luc, rapportant la naissance de Jésus, fait allusion au recensement ordonné par Auguste et réalisé " à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie ", ce qui explique la présence de Joseph et Marie à Bethléem. Or ce personnage exerça son mandat en l'an 6 de notre ère, dix ans après la mort du roi de Judée Hérode le Grand, sous le règne duquel Jésus est réputé être né. Outre que ce recensement impérial et général est par ailleurs inconnu, l'impossibilité d'accorder les noms et les dates ouvre la voie à toutes sortes d'hypothèses. Ensuite, les textes néotestamentaires ont été rédigés après la prise de Jérusalem et la destruction du Temple par les armées romaines en 70. Le milieu judaïque dans lequel avait vécu Jésus a pour l'essentiel disparu, et les enjeux, pour les évangélistes et leurs publics dispersés dans tout le bassin méditerranéen, sont désormais bien différents, sans compter le travail sélectif et orienté de la mémoire. Enfin, la langue dans laquelle est consignée la totalité du Nouveau Testament, le grec, fait barrage à un accès direct à Jésus, qui s'exprimait en araméen, langue ancienne de Mésopotamie diffusée par l'expansion perse, et ne possède pas toujours non plus les termes propres à rendre le sens de notions hébraïques. Ainsi, pour un Juif, " fils de Dieu " désigne un homme juste et pieux, donc proche de Dieu, et a toujours une signification métaphorique. Mais pour un Gréco-Romain le fils de Zeus ou de Jupiter est lui-même de nature divine. Désigner Jésus comme fils de Dieu n'a donc pas, d'une langue à l'autre, la même signification. Comme le disait Papias, évêque de Hiérapolis qui avait personnellement connu certains élèves des apôtres, " chacun a traduit comme il a pu ". Traduction qui a pour effet d'accréditer le caractère divin du Christ, l'évangile de Jean, le plus tardif (vers l'an 100), étant celui qui s'avance le plus loin dans cette direction. Culture juive De fait, l'exégèse chrétienne a toujours insisté sur la rupture radicale opérée par l'enseignement de Jésus avec la tradition juive, et donc sur l'apparition, dès l'origine, d'une nouvelle religion. Renan lui-même s'inscrit dans cette perspective. Depuis un demi-siècle, la tendance s'est inversée. Des études comparatives très fines des derniers livres de l'Ancien Testament - en particulier celui de Daniel, rédigé vers moins 165, de la Mishna et du Talmud, élaborés au IIe siècle de notre ère, des oeuvres de l'historien juif rallié à Rome Flavius Josèphe, l'analyse toujours en cours des manuscrits de Qumran ont montré combien Jésus appartient tout entier au judaïsme de son époque, lui-même traversé de courants multiples, fortement teinté d'un hellénisme présent depuis trois siècles, et faisant alors une large place au mouvement messianique et à la sensibilité apocalyptique. Des analogies entre des textes esséniens et certaines expressions mises dans la bouche de Jésus, les liens indubitables avec les conceptions pharisiennes telles que les expose par exemple le rabbin Hillel au début du Ier siècle, et que reprend trente ans plus tard son petit-fils Gamaliel, le maître supposé de saint Paul, comme la croyance en la résurrection des morts, l'insistance sur l'amour du prochain et la reconnaissance du caractère relatif du shabbat, enracinent le charpentier de Nazareth dans la culture, la société et la mentalité juives. Les premiers groupes de chrétiens - une dénomination qui serait apparue à Antioche entre 45 et 80 seulement - se situent eux-mêmes à l'intérieur de la tradition mosaïque, en particulier celui de Jérusalem, dirigé par Jacques, frère cadet de Jésus, qui avait à l'âge adulte, d'après les historiens, trois autres frères en vie, Joseph, Simon et Jude, et au moins deux soeurs (lire encadré p. 73). Enfin, la relecture des livres apocryphes, c'est-à-dire " cachés " - en particulier l'évangile selon Thomas, découvert en Haute-Egypte en 1945, et celui de Pierre, dont les fragments ont été trouvés en 1885, datables de la première moitié du IIe siècle -, complète l'enseignement de Jésus et éclaire la façon dont il a été reçu par les deux générations qui l'ont immédiatement suivi. Il en ressort qu'en son temps il ne fut nullement présenté, ni par lui ni par d'autres, comme le fondateur d'une religion nouvelle, et que le christianisme est le fruit d'un processus de différenciation d'avec le judaïsme étalé sur plusieurs générations. Toute cette littérature fournit des éléments d'analyse, mais n'apporte aucune information précise sur la vie de Jésus qui compléterait le Nouveau Testament. Il en va de même de l'archéologie. Mais, comme le montre l'affaire de l'ossuaire, des trouvailles restent toujours possibles © le point 18/04/03 - N°1596 - Page 70 - 1014 mots |